Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (4/2013). Norbert Gaillard propose une analyse de l’ouvrage de Andrea Goldstein et Françoise Lemoine, L’économie des BRIC. Brésil, Russie, Inde, Chine (Paris, La Découverte, 2013, 126 pages).
Le début de cet excellent livre a le mérite de remettre en perspective l’évolution politique et économique des BRIC. Reprenant les travaux d’Angus Maddison, les auteurs rappellent ainsi que le produit intérieur brut (PIB) agrégé de l’Inde et de la Chine représentait près de 50 % du PIB mondial en 1820 ! Si le développement industriel du xxe siècle s’est fait selon des modalités différentes (système planifié en Chine et en Russie, cadre capitaliste au Brésil et fort interventionnisme étatique en Inde), ce sont les mêmes catalyseurs qui ont permis aux BRIC d’amorcer leur impressionnant rattrapage économique à partir des années 1990 : privatisation partielle ou totale des entreprises, maîtrise des finances publiques nationales et locales, politique industrielle offensive et politique commerciale ponctuellement protectionniste.
Andrea Goldstein et Françoise Lemoine montrent ensuite que, si les quatre pays ont en commun d’être des géants démographiques, leurs dynamiques sociales sont spécifiques. C’est au Brésil et en Chine que le nombre d’actifs a le plus augmenté et que la pauvreté a le plus reculé entre 1980 et 2010. De son côté, la Russie a vu sa population active stagner, mais la pauvreté y est presque absente, ce qui contraste radicalement avec la situation indienne. Néanmoins, les BRIC ont tous réussi à accroître leur productivité, ce qui est l’une des clés de leur réussite.
Celle-ci s’est concrétisée de plusieurs façons. D’abord les BRIC sont devenus des acteurs majeurs du commerce international : leur poids dans les exportations mondiales est passé de moins de 10 % en 2000 à plus de 20 % en 2011. Chaque État a su conquérir une position de leader ou quasi-leader dans au moins un domaine : la Chine dans la production textile, le matériel électrique et électronique ; la Russie dans le secteur énergétique ; le Brésil dans l’agroalimentaire et l’Inde dans les services informatiques. Ensuite, la forte croissance des investissements directs étrangers (IDE) vers les BRIC (plus de 270 milliards de dollars de flux annuels en 2011 contre moins de 10 milliards en 1991) a dynamisé la consommation intérieure et favorisé les transferts de technologie au profit des entreprises locales. Enfin, les BRIC, en particulier la Russie et la Chine, sont désormais des puissances financières incontournables grâce au gonflement de leurs réserves de change et de leurs IDE.
Loin de présenter les BRIC comme un groupe homogène appelé à dominer le monde, A. Goldstein et F. Lemoine expliquent pourquoi ils ne sont que des alliés de circonstance sur la scène internationale. Chaque État a ses intérêts nationaux à défendre et ses propres défis à relever. Le Brésil doit réduire les inégalités et répondre aux attentes de la classe moyenne naissante. La prospérité de la Russie passe par une meilleure diversification de son industrie. Pour la Chine, la priorité est de développer son marché intérieur et de rendre sa croissance soutenable du point de vue environnemental. Mais c’est l’Inde qui a la tâche la plus ardue : il faut qu’elle maîtrise l’augmentation de sa population, éradique la pauvreté, améliore le niveau d’éducation et de formation de sa main-d’œuvre et se dote d’infrastructures adéquates. Le chemin est donc encore long pour que les quatre grands États émergents entrent enfin dans la catégorie des pays à hauts revenus.
Norbert Gaillard
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