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Raise the Debt. How Developing Countries Choose Their Creditors

Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2020). Juan Flores Zendejas propose une analyse de l’ouvrage de Jonas B. Bunte, Raise the Debt. How Developing Countries Choose Their Creditors (Oxford University Press, 2019, 288 pages).

Jonas Bunte, chercheur à l’université de Texas, étudie les sources de financement externe des pays en voie de développement (PVD). Le point de départ de l’ouvrage est la diversité des structures de prêts de ces pays. Par exemple, le volume des prêts accordés par la Chine est très variable selon les États. Bunte démontre, de manière convaincante, que les rapports financiers établis entre États créanciers et emprunteurs dépendent autant des premiers que des derniers. Selon les intérêts dominants dans les PVD, les préférences diffèrent, ce qui vient modifier les flux internationaux des capitaux.

L’économie des BRIC. Brésil, Russie, Inde, Chine

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (4/2013). Norbert Gaillard propose une analyse de l’ouvrage de Andrea Goldstein et Françoise Lemoine, L’économie des BRIC. Brésil, Russie, Inde, Chine (Paris, La Découverte, 2013, 126 pages).

économie des bricLe début de cet excellent livre a le mérite de remettre en perspective l’évolution politique et économique des BRIC. Reprenant les travaux d’Angus Maddison, les auteurs rappellent ainsi que le produit intérieur brut (PIB) agrégé de l’Inde et de la Chine représentait près de 50 % du PIB mondial en 1820 ! Si le développement industriel du xxe siècle s’est fait selon des modalités différentes (système planifié en Chine et en Russie, cadre capitaliste au Brésil et fort interventionnisme étatique en Inde), ce sont les mêmes catalyseurs qui ont permis aux BRIC d’amorcer leur impressionnant rattrapage économique à partir des années 1990 : privatisation partielle ou totale des entreprises, maîtrise des finances publiques nationales et locales, politique industrielle offensive et politique commerciale ponctuellement protectionniste.

Andrea Goldstein et Françoise Lemoine montrent ensuite que, si les quatre pays ont en commun d’être des géants démographiques, leurs dynamiques sociales sont spécifiques. C’est au Brésil et en Chine que le nombre d’actifs a le plus augmenté et que la pauvreté a le plus reculé entre 1980 et 2010. De son côté, la Russie a vu sa population active stagner, mais la pauvreté y est presque absente, ce qui contraste radicalement avec la situation indienne. Néanmoins, les BRIC ont tous réussi à accroître leur productivité, ce qui est l’une des clés de leur réussite.

Pourquoi les BRIC changent le monde

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (1/2012). Yannick Prost propose une analyse de l’ouvrage d’Alexandre Kateb, Les nouvelles puissances mondiales : pourquoi les BRIC changent le monde (Ellipses, 2011, 272 pages).

Les travaux sur les puissances émergentes connaissent une vogue certaine et, comme souvent dans les phénomènes de mode, le meilleur y côtoie le pire. L’ouvrage d’Alexandre Kateb se range dans la première catégorie, car l’auteur a tenté une synthèse aussi intelligente que difficile en s’appuyant sur une bibliographie honnête. Difficile parce qu’il faut bien avouer que le concept de BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) est nébuleux. Les BRIC sont des puissances économiques en phase de rattrapage, comptant désormais parmi les dix ou douze premières puissances mondiales. Pour le reste, l’ensemble est hétéroclite. Toutefois, l’ouvrage parvient à mettre en lumière quelques convergences.
En premier lieu, l’émergence se caractérise par un type de développement qui remet en cause les préconisations du libéralisme économique. Si l’orthodoxie financière est généralement respectée, ces puissances se caractérisent par un fort interventionnisme étatique. Ce dernier s’exprime particulièrement en matière de politique industrielle, qui bénéficie d’une stratégie de « champions nationaux », grandes entreprises solidement tenues par les autorités nationales via des noyaux durs d’actionnaires et une réglementation protectrice contre une prise de contrôle par les étrangers. L’intérêt national primant celui des actionnaires privés, les groupes industriels peuvent mener une politique d’investissement à long terme. Enfin, une habile manipulation des taux d’intérêts et une politique bancaire prudente – les leçons de la crise de 1997-1998 ont été tirées – permettent de profiter d’une sous-évaluation des monnaies ou au moins de garantir la stabilité de celles-ci contre les spéculations.
Mais si le rattrapage industriel a été spectaculaire, ces économies pourraient peiner à franchir la frontière technologique : en effet, malgré d’importants investissements dans l’éducation, les BRIC rencontrent des succès mitigés dans l’économie de la connaissance. La faiblesse de la recherche fondamentale, un environnement intellectuel peu propice et un effort généralement insuffisant dans la recherche et développement (R&D) limitent la maîtrise de l’innovation. Le « Cyberabad » des informaticiens indiens ne doit pas faire illusion : il n’exerce guère d’effet d’entraînement sur le reste de l’économie du pays. Toutefois, ces pays ont pris conscience de leurs lacunes et réalisent déjà des percées sur quelques niches.
Ces puissances économiques abritent des sociétés encore marquées par les vestiges du sous-développement ou d’une mauvaise adaptation à la modernité démocratique : bien que la proportion de pauvres ait baissé, le niveau de vie moyen demeure modeste. Ces sociétés, entrées en transition démographique ou l’ayant achevée, doivent encore gérer l’exode rural ou faire face au déclin démographique (Russie). Le système de protection sociale demeure lacunaire et faible et les très fortes inégalités sociales suscitent des questions sur la stabilité politique à moyen terme. Enfin, les dommages causés à l’environnement présentent des défis considérables.
Puissances émergentes, les BRIC sont également des sociétés en transition : régimes autoritaires (Chine, Russie) ou sociétés conservatrices dominées par des castes (Inde, Brésil), elles peinent à accepter les standards occidentaux de l’état de droit et de la démocratie. Le Brésil se détache peut-être du groupe : n’ayant pas subi de subordination récente à l’Occident, il semble moins marqué par le nationalisme et le besoin de revanche sur les pays du Nord. Toutefois, ces politiques étrangères convergent pour remettre en cause le statu quo post-guerre froide régissant le système international : remise en cause de la domination occidentale, de l’ingérence dans les affaires intérieures des États et de l’unipolarisme présumé des États-Unis.
Un nouvel équilibre des forces, source de définition d’un nouvel ordre mondial ? Pas certain, car les BRIC ne sont ni un groupe cohérent, ni une force d’entraînement des pays du Sud. Non, au fond, les BRIC incarnent une vision du monde westphalienne, face à laquelle l’Europe se trouve bien désarmée.

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