Cette recension d’ouvrages est issue de Politique étrangère (3/2015). Timothy Boswell propose une analyse croisée de deux ouvrages : celui de Virginia Comolli, Boko Haram. Nigeria’s Islamist Insurgency (Londres, Hurst Publishers, 2015, 208 pages) et celui de Mike Smith, Boko Haram. Inside Nigeria’s Unholy War (Londres, I.B. Tauris, 2015, 320 pages).
Si Al-Qaïda et l’État islamique ont concentré la plupart des analyses sur le phénomène djihadiste, la littérature sur Boko Haram est bien moins abondante. Le groupe qui s’est rendu célèbre par l’enlèvement des lycéennes de Chibok il y a plus d’un an est pourtant responsable de nombreuses exactions, qui ont coûté la vie à plus de 7 000 personnes de la mi-2014 à la mi-2015. Deux livres, de Mike Smith, ancien chef du bureau de l’AFP pour l’Afrique de l’Ouest, et de Virginia Comolli, chercheur à l’Institut international d’études stratégiques (IISS) à Londres, tentent de faire la lumière sur cette organisation que l’on qualifie parfois de « secte ».
L’ouvrage de Mike Smith se livre principalement à un récit factuel des événements, plus qu’à une étude critique de Boko Haram. Il fournit des détails saisissants sur les attaques du groupe, recueillis de la bouche même des victimes et des témoins directs. Ces détails donnent un excellent aperçu de la situation au Nigeria depuis que le groupe s’est engagé sur la voie de la violence en juillet 2009. Le livre s’ouvre sur un récit de l’attaque de Boko Haram contre un siège de la police en janvier 2012 par un des survivants, avant de présenter un tableau général de la situation au Nigeria, et du groupe lui-même. Chaque chapitre débute par le récit d’un événement majeur dans l’histoire de Boko Haram, de l’exécution extrajudiciaire du chef du groupe en juillet 2009 à l’enlèvement de près de 300 filles dans leur école de Chibok. Les autres chapitres se concentrent sur le contexte, l’histoire coloniale de la région, et l’échec des réponses du gouvernement à Boko Haram.
De son côté, Virginia Comolli a écrit un ouvrage de facture plus scientifique, aux nombreuses références, et offrant moult détails donnant une vue d’ensemble du groupe et des enjeux locaux, régionaux, et internationaux. Le livre de Comolli explore tout d’abord le contexte historique de l’islam au Nigeria. L’auteur se fonde sur cette histoire pour expliquer l’origine de groupes islamistes radicaux, avant de se tourner plus spécifiquement vers Boko Haram. Elle analyse en profondeur ce groupe, détaillant les controverses sur sa fondation et le tournant violent sous la direction d’Abubakar Shekau. Elle se concentre ensuite sur les multiples conséquences régionales, et les liens éventuels avec d’autres groupes islamistes extrémistes. Dans la dernière partie de l’ouvrage, elle se montre critique envers la stratégie de contre-insurrection mise en œuvre par le gouvernement nigérian, qui s’est soldée jusqu’ici par des revers et de multiples violations des droits de l’homme de la part des forces de sécurité.
Les deux livres ont des styles et des buts différents. Celui de Smith est une lecture captivante pour quiconque souhaite mêler récits historico-politiques et témoignages poignants. De son côté, le livre de Comolli est une lecture incontournable pour ceux qui veulent avoir une compréhension globale des conditions ayant conduit à la situation actuelle. Alors que Boko Haram étend ses opérations hors du Nigeria et que les effets de ses actions se feront sentir pendant des années, on ne peut que recommander la lecture de ces deux ouvrages.
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