Dans son émission du 23 mars, Thierry Garcin, producteur de la chronique « Les Enjeux internationaux » sur France Culture, se penche sur la question allemande et la place de l’Allemagne dans et face à l’Union européenne. Hans Stark, directeur du Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l’Ifri et auteur de l’article « De la question allemande à la question européenne »  paru dans Politique étrangère n°1/2016, était son invité.

Logo France cultureLa question allemande en Europe resurgit-elle parce que l’Union européenne (UE) se détricote ? Pour répondre à cette question, il faut d’abord examiner les principaux griefs que l’on adresse à l’Allemagne.

« Dans un ordre approximativement chronologique et à titre d’illustration : l’Allemagne a géré la crise grecque à Bruxelles d’une façon impérieuse et peu communautaire ; elle pollue massivement, après la décision d’abandonner d’ici 2022 le nucléaire civil, en construisant de nombreuses centrales à charbon, contrevenant aux engagements de l’UE en matière de lutte contre la pollution ; elle a mis un immense désordre sur le continent dans le dossier des migrants proche-orientaux, imposant des quotas obligatoires, qui ne sont d’ailleurs aucunement respectés, tout en étant clairement débordée par le situation qu’elle a créée ; elle vient de demander officiellement la fermeture d’une centrale nucléaire française ; elle prend des décisions collectives à l’égard d’une Turquie bien peu recommandable.

Parallèlement, le cadre communautaire se disjoint. Des pans de l’État de droit tombent (Hongrie, Pologne…) ; le fédéralisme n’est plus un projet ; le Royaume-Uni risque de quitter l’UE ; la fracture entre d’ex-pays de l’Est et l’Allemagne s’élargit ; on parle volontiers de l’effacement de Londres et de l’inertie de Paris ; etc.

Faut-il en conclure que l’Allemagne redevient forte à raison de la faiblesse et des contradictions de ses voisins ?

De la question allemande à la question européenne, publié dans la revue Politique étrangère par notre invité Hans Stark, est consultable ici. « Assiste-t-on au retour d’une « question allemande » qu’on croyait avoir enterrée avec l’unification ? Si cette « question allemande » a de profondes racines historiques, son retour marque surtout une crise européenne : fractures économiques, blocage des institutions, effacement relatif de la France et de la Grande-Bretagne des grands débats de l’Union. Seule une avancée de l’intégration européenne pourrait renvoyer l’Allemagne à une normalité dont elle ne cherche pas vraiment à s’extraire. »

«Sidérée» par les critiques prononcées en territoire allemand, à Munich, par Manuel Valls, Angela Merkel a cherché à savoir si le Premier ministre avait obtenu l’imprimatur de François Hollande pour attaquer frontalement, qui plus est en Allemagne, sa politique d’accueil favorable aux réfugiés. «Elle a demandé aux membres SPD de sa grande coalition d’appeler leurs contacts socialistes à Paris pour être sûre que Valls n’était pas en service commandé», raconte le leader du SPD (sociaux-démocrates) et vice-chancelier, Sigmar Gabriel.

Alors que les médias français se réjouissaient de l’arrestation du terroriste français Salah Abdeslam qui se cachait en Belgique, il s’est joué à Bruxelles un autre scénario beaucoup moins glorieux : l’accord germano-turc sur les migrants, négocié dans le dos de François Hollande. La semaine dernière, Angela Merkel a dîné à Bruxelles en tête-à-tête avec Mark Rutte, le Premier ministre néerlandais dont le pays assure la présidence tournante de l’UE, et Ahmet Davutoglu, leur homologue turc.Ni Donald Tusk, président du Conseil européen, ni Jean-Claude Junker, président de la Commission européenne n’ont été conviés.Quant à François Hollande, c’est tout juste si la Chancelière a vaguement évoqué le sujet devant lui, lors de sa visite à Paris le 4 mars dernier, se contentant de lui demander sa signature en bas de l’accord, au même titre et pas davantage qu’aux autres membres de l’UE. C’est comme un « retour à l’envoyeur » puisque François Hollande lui avait refusé, il y a quelques mois, le partage équitable des réfugiés entre les 27 pays européens. Sans doute n’avait-elle pas accepté la position frileuse de l’exécutif français qui limitait à 30.000 le nombre de réfugiés sur plusieurs années, alors même que l’Allemagne, elle, en accueillait 80.000 par semaine…

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