Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne de Politique étrangère (n°3/2016). Marc Hecker, chercheur au Centre des études de sécurité de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de François Heisbourg, Comment perdre la guerre contre le terrorisme (Paris, Stock, 2016, 128 pages).

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François Heisbourg signe un essai d’une virulence inhabituelle. Réputé proche du Parti socialiste – il a fait partie du cabinet de Charles Hernu de 1981 à 1984 –, il sonne une charge retentissante contre François Hollande et Manuel Valls, accusés d’« incompétence » et de « médiocrité » dans leur gestion des attentats de 2015.

Le réquisitoire est construit en dix étapes, présentées comme dix règles d’or pour perdre la guerre contre le terrorisme. Le gouvernement aurait multiplié les erreurs – voire les fautes – ce qui, sauf changement de cap, conduirait notre pays à la défaite. Voici les dix reproches énoncés par le procureur Heisbourg. 

  1. Les dirigeants politiques et les responsables de la sécurité n’ont pas su anticiper les attentats.
  2. Les situations d’urgence ont été mal gérées.
  3. La communication opérationnelle a été défaillante.
  4. Les leçons des crises précédentes n’ont pas été retenues.
  5. La menace n’a pas été comprise.
  6. Nos opérations militaires au Moyen-Orient sont inefficaces.
  7. Le gouvernement joue sur les peurs et réagit de manière « hystérique ».
  8. Les mesures annoncées par les dirigeants politiques divisent les Français.
  9. Les principes fondamentaux de la République sont menacés par certaines décisions gouvernementales.
  10. La France agit au détriment de la construction de l’Europe de la sécurité.

Les mots les plus durs de François Heisbourg sont réservés au projet – désormais abandonné – d’intégration à la Constitution de la déchéance de la nationalité. L’auteur parle d’une mesure « atroce », qui nourrirait le « sentiment d’aliénation de nos compatriotes de culture arabe ou berbère », et aurait pour effet d’élargir « le vivier dans lequel Daech et d’autres mouvements djihadistes pourront puiser ». Il dénonce également certaines réformes annoncées qui risquent de conduire à un « état d’urgence permanent ».

Le spectre de l’histoire hante l’auteur. Ce dernier mentionne L’Étrange défaite de Marc Bloch (1940), et affirme que nous nous dirigeons vers une « défaite encore plus étrange », Daech étant loin d’avoir la puissance de feu de l’Allemagne nazie. Il évoque aussi la guerre d’Algérie et soutient que certaines mesures liberticides décidées par le gouvernement de Manuel Valls rappellent celles prises à l’époque de Guy Mollet.

Heisbourg consacre justement la dernière page de son essai à l’Algérie. Il imagine un scénario catastrophe « à la syrienne », qui conduirait ce pays à sombrer dans la violence. « Il faut penser dès maintenant aux mesures sociales, économiques et politiques permettant de limiter l’impact qu’aurait une telle crise » écrit l’auteur, mettant au défi les dirigeants politiques de redonner sens à la devise « Liberté, Égalité, Fraternité ». Et de conclure : « L’histoire jugera durement ceux qui choisiront de persister dans l’incompétence et le contresens. »

Si nombre de critiques de François Heisbourg font mouche, d’autres semblent outrancières ou peu convaincantes. Par exemple, il revient à plusieurs reprises sur le fait que le gouvernement aurait dû mettre en place une commission d’enquête comparable à celle créée aux États-Unis après le 11 septembre 2001. Il existe pourtant, en France, une commission d’enquête parlementaire « relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme ». Son rapport, franc et utile, a été publié en juillet 2016.

Marc Hecker

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