La victoire du candidat populiste Donald Trump aux États-Unis nous pousse à nous interroger sur l’avenir de l’Europe. L’article de Jean-Dominique Giuliani, « Extrémismes, populismes et nationalismes à l’assaut de l’Europe », publié dans le numéro d’été de Politique étrangère (n°2/2016) offre à ce titre une analyse édifiante.

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« Vue de l’extérieur, l’Europe reste un modèle d’état de droit, de libertés, d’un développement économique et social rarement atteint dans les sociétés modernes. De l’intérieur, les sociétés européennes sont traversées de doutes profonds. Ils montent à l’assaut de la construction politique qu’elles ont consenti à bâtir peu à peu après un XXe siècle suicidaire, qui aurait dû les chasser pour longtemps de l’histoire contemporaine.

De la fin du monde bipolaire, l’Europe ne s’est vraiment jamais remise. Pensée pour ramener la paix sur le continent des guerres, l’unification européenne, qui anticipait pourtant brillamment un mouvement fulgurant de globalisation et d’innovations technologiques, semble dépassée par ses propres espérances. Son inachèvement est la cause principale de ses difficultés. Son refus de la puissance la met à mal dans les rapports de force internationaux. Elle est l’objet de toutes les critiques, et focalise de puissants mouvements de gauche comme de droite, tenant à l’extrémisme, au populisme et à un réel retour du nationalisme. Si le premier pousse à l’adoption d’opinions et de conduites extrêmes, le populisme oppose en permanence et systématiquement le peuple aux élites, aux dirigeants et aux partis de gouvernement, cependant que renaît de ses cendres un nationalisme qui subordonne tous les problèmes à la domination hégémonique de la nation.

Ce sont bien ces phénomènes que l’on observe aujourd’hui sur le continent européen. Ils prennent la forme de contestations internes aux États, d’un discrédit des classes politiques et d’une critique violente et europhobe des institutions politiques de l’Union européenne. Tenter de les cerner exige de bien identifier leurs sources, de décrire précisément le tableau qu’ils nous offrent et d’en évaluer les limites, pour mesurer leurs chances d’accéder aux affaires. […]

Ce sont près d’une trentaine de partis populistes, extrémistes ou nationalistes qui pèsent aujourd’hui sur la vie politique en Europe. Leur classification entre ces trois catégories est évidemment sujette à caution, et s’il peut y avoir débat sur leur appartenance à l’une ou l’autre d’entre elles, il n’y aucun doute sur leur qualification dans cet ensemble global. Cinq d’entre eux appartiennent à un gouvernement ou le dirigent. Tous ont une réelle influence sur les discours politiques. Le tableau politique de l’Europe est donc particulièrement inquiétant. […]

L’interpellation populiste n’est pas une spécificité européenne. Elle est commune à tous les ensembles démocratiques et constitue pour eux un défi bien réel. Les mutations technologiques, économiques, culturelles et sociales, qui transforment sous nos yeux l’ordre mondial, imposent à l’évidence des changements majeurs dans l’exercice de la démocratie représentative. Dans ce maelström, la construction européenne est particulièrement interpellée du fait de son caractère original, inédit et inachevé. Son passé l’expose par ailleurs tout particulièrement au retour d’un nationalisme frileux, complètement dépassé par les réalités du monde. Les ressentiments ethniques, les frustrations historiques, les peurs ancestrales et les réflexes conditionnés des Européens, sédiments de l’histoire sur lesquels l’Union européenne s’est bâtie, constituent autant de risques susceptibles de peser sur l’évolution politique de l’Europe.

Les crises récentes nous montrent que les fondations en sont pourtant plus solides qu’il n’y paraît. Elles sont faits d’intérêts souvent partagés à défaut d’être acceptés comme communs, mais aussi d’engagements légitimes, de traités signés et appliqués, d’un droit très avancé, vraisemblablement assez souple pour supporter de vraies attaques, et suffisamment solide pour les contenir. Les mois et les années qui viennent vont les mettre à l’épreuve et apporter une confirmation ou un démenti à cette affirmation – il est vrai, optimiste. »

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