Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n°4/2016). Norbert Gaillard propose une analyse de l’ouvrage d’Abdulrazak Al Faris et Raimundo Soto, The Economy of Dubai  (Oxford University Press, 2016, 368  pages).

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Ce livre d’économistes travaillant majoritairement au Dubai Economic Council est une étude exhaustive de l’économie de Dubaï, l’une des sept entités constitutives des Émirats arabes unis.

Le premier chapitre rappelle comment, à partir des années 1980, la manne pétrolière a permis à Dubaï de diversifier son économie, en devenant une place financière régionale majeure et en créant des zones franches pour les sociétés étrangères, la plus célèbre et ancienne étant la Jebel Ali Free Zone. Sur la période 1980-2011, la croissance annuelle du PIB a été en moyenne de 6,5 %, taux cependant inférieur à celui de Singapour et de Hong Kong (deux territoires qui font figure de modèles), en partie à cause de la faible productivité de l’émirat et de sa vulnérabilité aux chocs externes.

Au fil des pages, les auteurs soulignent les défis auxquels Dubaï est confronté et avancent des recommandations de politique économique. Par exemple, le fort endettement des entreprises publiques et parapubliques comme Dubaï World et Investment Corporation of Dubaï dans les années 2000 a pesé sur les comptes de l’émirat. Les récentes restructurations de dette devraient convaincre le gouvernement de mieux contrôler les stratégies de ces grands groupes, de développer un marché des capitaux en dirhams et de mettre en place un véritable régime fiscal (les recettes non fiscales représentant les trois quarts des recettes totales de 2011). Le système bancaire de Dubaï est jugé relativement fragile comparé à celui d’Abu Dhabi, comme l’attestent le pourcentage plus élevé de créances douteuses et la moindre profitabilité des établissements de crédit. Ces derniers financent d’ailleurs insuffisamment les petites et moyennes entreprises. La diversification de l’économie doit être approfondie. Deux secteurs seraient à privilégier : le tourisme médical et les services financiers. Parallèlement, la production de biens à haute valeur ajoutée permettrait à Dubaï d’accroître ses exportations vers les pays industrialisés en dépassant les marchés traditionnels que sont l’Inde, l’Iran et l’Arabie Saoudite. L’acquisition de terrains est un autre obstacle majeur pour les investisseurs directs étrangers ; il ne peut être surmonté que par une révision du droit de propriété.

Les progrès en matière sociale sont contrastés. Dubaï a su étendre l’accès à l’éducation. Dans les tests PISA, les scores de l’émirat sont au-dessus de la moyenne des États du Moyen-Orient mais restent inférieurs à la moyenne OCDE, et très loin des scores de Singapour et de Hong Kong. Le tissu universitaire s’est développé, mais les institutions sont encore petites et offrent un choix de programmes limité, essentiellement axé sur la finance, le commerce, la religion et les technologies de l’information. Le marché du travail, qui s’est lentement ouvert aux femmes, souffre avant tout de la kafala, par lequel l’employeur « parraine » ses employés étrangers, leur octroyant titre de séjour et permis de travail. Ce système est en fait devenu un frein à la mobilité des expatriés au sein de l’émirat.

Agrémenté de nombreux tableaux et graphiques, l’ouvrage est agréable à lire. Il présente néanmoins deux lacunes : le risque d’insolvabilité de Dubaï à moyen/long terme n’est pas abordé, et la question des mauvais traitements subis par les ouvriers étrangers (condamnés par Amnesty International dans plusieurs de ses rapports) est occultée par les auteurs du chapitre sur le marché du travail.

Norbert Gaillard

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