Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n°4/2016). Rémy Hémez propose une analyse de l’ouvrage du colonel Philippe Sidos, La guerre soviétique en Afghanistan (Economica, 2016, 320 pages).

Blog_PE_Guerre soviétique en Afghanistan

Philippe Sidos, officier de l’armée de Terre et docteur en histoire a une très bonne connaissance de la Russie et de l’Asie centrale puisqu’il a été affecté comme attaché militaire à Moscou, au Tadjikistan et au Kazakhstan. Il a aussi servi pendant trois ans au sein de l’état-major opérationnel de l’OTAN en charge des opérations en Afghanistan. Sa connaissance du russe lui a permis d’accéder à de nombreuses sources peu traitées dans la littérature francophone sur la guerre soviétique en Afghanistan.

La thèse défendue par l’auteur est que les résultats opérationnels de l’Armée rouge ne sont pas – contrairement à une idée répandue – catastrophiques. L’outil militaire soviétique a fait preuve d’une indéniable capacité d’adaptation, réussissant à obtenir de réels effets sur le terrain, notamment grâce à l’action de quelques unités d’élite.

Le colonel Sidos suit un plan en trois parties équilibrées. Dans la première, « L’engrenage vers une intervention limitée », il décrit l’arrière-plan historique de l’intervention et son contexte géopolitique. Y sont développées les différentes étapes de la guerre, de l’installation à la nécessité de sortir d’une impasse militaire et politique en réussissant le retrait. La deuxième partie de l’ouvrage s’attache à décrire le processus d’adaptation de l’armée soviétique à la contre-insurrection. La préparation avant le déploiement a notamment dû être revue, pour développer les qualités physiques des troupes. Les modes d’action ont évolué, en particulier avec l’emploi systématique des hélicoptères à partir de 1984-1985, afin d’améliorer la mobilité. La mauvaise formation des cadres soviétiques et les grandes difficultés éprouvées pour former une armée afghane efficace ont cependant limité les résultats. La dernière partie du livre est consacrée aux Soviétiques au combat. L’auteur débute par les parachutistes qui portèrent largement le poids des offensives et constituèrent l’essentiel de la force de contre-insurrection soviétique. Les Spetsnatz (forces spéciales) connurent leur heure de gloire pendant cette guerre, notamment au travers de leurs embuscades contre les caravanes chargées de convoyer combattants et matériel depuis le Pakistan vers l’Afghanistan. Le conflit comporta aussi d’importants aspects aériens avec, bien entendu, le rôle des hélicoptères, mais aussi celui joué par les avions pour l’appui aérien et la logistique. Philippe Sidos offre un éclairage détaillé et particulièrement intéressant sur l’impact des missiles anti-aériens Stinger, soulignant que l’introduction de ces armes n’a pas eu l’effet décisif que l’on croit trop souvent. Les Stinger ne chassèrent pas les aéronefs soviétiques du ciel, en particulier du fait de l’adaptation des procédures de vol.

En conclusion de cette étude de grande qualité, l’auteur nous offre deux réflexions intéressantes. Tout d’abord, il se demande si les difficultés rencontrées au cours de l’intervention massive de 1979 n’ont pas pesé sur le choix de modes d’actions « autres » en Crimée et au Donbass. Ensuite, il s’interroge sur le retrait russe d’Afghanistan, qui n’est probablement pas définitif.

Rémy Hémez

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