Le blog Reflets du Temps, qui consacre une large place aux questions internationales, a publié le 18 février dernier un article mettant à l’honneur le dossier du numéro d’hiver (n°4/2016-2017) de Politique étrangère : « Méditerranée, mer de toutes les crises ? ».

 

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« Méditerranée, une idée d’empire. Du Mare Nostrum romain à l’empire européen sans frontière, qui s’imagine aujourd’hui rongé par les vagues de migrants ».

Formidable sujet que celui de la revue d’hiver. Un espace maritime et ses rives, brassant toute l’Histoire au carrefour de civilisations de première importance, comportant les zones sensibles où bat le plus dangereusement le pouls de la Géopolitique actuelle, charriant les flux de populations, migrants fuyant les guerres ou émigrés clandestins, par voies de terres et bien plus de mer, qui donnent à la Méditerranée cette représentation de tombeau – 10000 morts depuis 2014 – qui pour la plupart d’entre nous signe indéfectiblement cet espace géographique. Méditerranée, zone de tous les dangers, malheurs, et, pour certains, menaces ? Réalité, qui, comme tout ce qui porte un tel niveau de crises, véhicule son lot de fantasmes et de représentations approximatives ou fallacieuses.

Aussi pouvons-nous être particulièrement reconnaissants à la revue PE, qui, tout en mettant sur la table l’état le plus pointu des savoirs géographiques, historiques, géopolitiques, aborde également ce sujet, vaste et mouvant, par des faces moins connues, pour autant parfaitement pertinentes, et garantes de mieux armer nos connaissances. Méditerranée ; a priori, du « connu » ? A voir.

6 solides et copieux articles se partagent ces regards croisés sur La Méditerranée, mer de toutes les crises ? Le point d’interrogation n’étant pas rien dans la problématique. Jean-François Daguzan place d’utiles jalons d’entrée :« Les politiques méditerranéennes de l’Europe : trente ans d’occasions manquées ».

« Jamais le fossé n’a été  plus profond entre les rives de la Méditerranée alors que se dresse un mur physique et mental qui a pour nom : terrorisme, réfugiés, conflits ». L’auteur place le sommet de Barcelone 1995 comme l’ambition type et le ratage classique d’unir le destin de l’UE en plein élargissement et de certains pays riverains, s’étendant jusqu’à Israël, la Palestine, la Mauritanie, la Jordanie, excluant la Libye. Objectifs de paix, dans cette après-guerre froide, et de coopération économique, se donnant à l’horizon 2020 la possibilité d’une zone méditerranéenne de libre échange (Shimon Pérès en était l’un des inspirateurs, au nom du « New Middle East »). L’échec à venir à bout du conflit Israélo-Palestinien fut une des grandes raisons de sa paralysie. L’UE se rabattit sur « une politique de voisinage » en 2003, ensemble de partenariats bilatéraux entre l’Europe et les pays de la zone méditerranéenne. Dès son arrivée au pouvoir en 2007, N. Sarkozy mena « L’Union pour la Méditerranée », dont l’échec vint d’une volonté affichée de contourner la domination allemande, et de repousser aux calendes l’adhésion de la Turquie. Comme on descendrait des marches, ces stratégies passent, voit-on, d’ambitions de haute voilure, à de « simples » et habituels contrats de coopération entre l’UE et les États. Les Révolutions arabes de 2011 changent totalement la donne – les interlocuteurs ont changé, le terrorisme islamiste, et son volet sécurité, colorent tout. En 2016, une nouvelle politique méditerranéenne est amorcée ; on baigne encore dans cette séquence. Plus large, elle s’ouvre vers le Golfe et le Sahel, plus attentive aux nouvelles donnes, le défi démographique, les migrations, le climatique. L’article souligne les défauts réitérés d’une UE menant le bal, dans un modèle de toute puissance, n’ayant pas suffisamment saisi les changements structuraux de ses partenaires méditerranéens (ainsi, d’Israël bunkerisé, de l’Egypte paralysée, de la Tunisie aux prises à ses équilibres, de la Turquie renvoyée dans un rôle de frontière). La puissance supposée de l’UE s’effrite du coup en Méditerranée, et montent les voix des pays du Golfe, notamment, sans compter la Chine.

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Les autres articles posent sur le lieu méditerranéen d’utiles regards, de nature à affiner l’analyse. Plus latéraux que centraux, non moins essentiels. Ainsi, des « industries de la migration » de Marseille à la plaque tournante Stambouliote (« Le commerce migratoire », Michel Peraldi), des formes si différentes des « Diplomaties navales » (Fernando Del Pozo, Ferdinando Santefelice di Monteforte, Patrick Hebrard), permettant avec d’excellents rappels historiques de mesurer l’état géopolitique des influences – celle des USA se retirant ; celle de la Russie poutinienne s’avançant, comme on sait. Richesses et notamment celles des énergies font évidemment partie de l’état des lieux. Ainsi, du Gaz trouvé en quantités de plus en plus importantes dans la partie orientale. C’est l’occasion de connaître le cas d’Israël en la matière : « De l’eau dans le gaz » (David Amsellem). Enfin, pages informatives au plus haut point, que cet article sur« La Chine en méditerranée ». Patronne de plus d’un port, dont Le Pirée, grande alliée de la Grèce, bâtissant une stratégie de partenariats saute-mouton – discussions actuelles avec la France – la Chine met « naturellement » le pied en Méditerranée.

Revenons en conclusion à l’éditorial de ce numéro PE : c’est bien « une Méditerranée réceptacle, réservoir de contradictions et de conflits… une des lignes de partage démographique de la planète » que présente la revue. Mais « définir aujourd’hui la Méditerranée, c’est s’interroger sur ce que nous voulons être, Européens, dans notre environnement ». « Un objet introuvable ? » cette Méditerranée ? Pas sûr.

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