Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2017). Matthieu Tardis, chercheur au Centre Citoyennetés et Migrations de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de William Maley, What is a Refugee? (Hurst, 2016, 280 pages).

What is a refugee_

L’ouvrage de William Maley explique et rétablit la complexité des causes à l’origine des mouvements forcés de population.

Sans États, les réfugiés, qui sont le produit de l’ordre westphalien établi en 1648, n’existeraient pas. Cet ordre consacre la souveraineté des États nations et les réfugiés sont les « autres », ceux que l’on expulse pour asseoir une prétendue homogénéité du peuple ou une idéologie. Les réfugiés sont également les victimes des échecs et des défaillances d’États en décomposition. La Paix de Westphalie est un accord sur les frontières ; elle n’instaure pas le contrôle de ces frontières. Celui-ci se développe plus tard avec la création des passeports, des visas, et enfin de bureaucraties dont les missions sont de traiter de manière rationnelle et mécanique des situations relevant de l’humanisme et de la compassion.

Pour autant, selon William Maley, les États font aussi partie de la solution. La question des réfugiés est une affaire de diplomates, en particulier lorsqu’il s’agit de partager les responsabilités de l’accueil. La diplomatie a toutefois ses limites. Si des organisations internationales comme le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés proposent un cadre de négociation, l’auteur souligne que l’asymétrie des puissances n’est pas favorable à une plus grande solidarité avec les pays pauvres qui accueillent le plus grand nombre de réfugiés dans le monde. La diplomatie a également ses contradictions. L’accord entre l’Union européenne et la Turquie de mars 2016 constitue un cas d’école, où un ensemble de 500 millions d’habitants représentant un quart de la richesse mondiale se place en position de faiblesse face à son voisin turc pour des considérations de court terme.

L’auteur ne présente pas l’utilisation de la force ou les interventions humanitaires comme intrinsèquement contraires au système westphalien. À l’inverse, il rappelle les travaux de la Commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des États au début des années 2000. Ils ont souligné que la souveraineté des États leur imposait des responsabilités. La première est de protéger les populations au niveau interne comme au niveau international. La Responsabilité de protéger remet ce concept de protection au centre de la question des réfugiés. Au fil des nombreuses références historiques qui parcourent l’ouvrage, nous apprenons d’ailleurs que ce concept constituait la pierre angulaire de la définition de réfugié, proposée par les premières conventions internationales sur ce sujet avant la Seconde Guerre mondiale. Les rédacteurs de la Convention du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, lui préféreront la notion, plus restreinte, de persécution.

L’auteur regrette que l’intervention en Libye en 2011 ait profondément endommagé cette Responsabilité de protéger. De même, il souligne que l’hospitalité n’est pas un attribut de l’État, mais une relation humaine. L’ouvrage est rythmé par nombre d’histoires et de récits individuels du passé et d’aujourd’hui. Professeur à Canberra, William Maley puise ses exemples dans les conséquences les plus absurdes, et souvent tragiques, de la politique d’asile australienne, présentée par un nombre croissant de responsables européens comme un modèle. En somme, What Is a Refugee? présente la question des réfugiés de manière exhaustive, en restant accessible et surtout sans jamais perdre de vue le véritable enjeu : la protection de l’intégrité et de la dignité de la vie humaine.

Matthieu Tardis

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