Cette recension a été publiée dans le numéro d’été de Politique étrangère (n°2/2017). Rémy Hémez, chercheur au Laboratoire de recherche sur la défense (LRD) de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Matthew Ford, Weapon of Choice: Small Arms and the Culture of Military Innovation (Hurst & Co., 2017, 240 pages).

Weapon of Choice

Dans Weapon of Choice, Matthew Ford, Senior Lecturer en relations internationales à l’université du Sussex, démontre l’influence des processus sociaux dans les choix technologiques d’équipements militaires. Il le fait en observant un cas généralement éludé par les spécialistes de la question : celui des armes individuelles du fantassin au Royaume-Uni et aux États-Unis, du début du XXe siècle à aujourd’hui.

Après un premier chapitre consacré à une présentation problématisée des principales recherches sur l’innovation militaire, le propos de Matthew Ford s’articule autour de quatre parties analysant les groupes qui influencent les choix technologiques militaires : hommes de terrain, scientifiques, ingénieurs et bureaucrates.

Pour le militaire, la conception d’un fusil résulte d’une tentative d’équilibre entre trois facteurs : puissance de feu, précision et pouvoir d’arrêt. Les Américains et les Britanniques privilégient les deux derniers jusqu’après la Seconde Guerre mondiale. Les ingénieurs chargés de définir les caractéristiques d’une arme efficace sur le champ de bataille font la plupart du temps face à des demandes contradictoires émanant du terrain. Elles suscitent une certaine frustration, très bien décrite par l’auteur. Les scientifiques, engagés dans des recherches autour de ce que l’auteur appelle « la science de tuer », sont pris dans des débats sans fin. Matthew Ford présente à cette occasion des études étonnantes et méconnues visant à mesurer la capacité à tuer d’une munition. Enfin, la bureaucratie est analysée comme un autre champ de bataille. Ses membres introduisent des données distinctes dans l’équation du choix technologique, comme l’intérêt national.

Dans un chapitre ultérieur consacré à l’adoption de la mitrailleuse légère Minimi dans l’armée britannique, l’auteur fait un développement judicieux et peu mis en avant dans la littérature spécialisée : il insiste sur l’importance de l’armement détenu pour l’estime de soi des soldats mais aussi pour leur statut vis-à-vis des autres militaires. Cet aspect prend d’autant plus d’importance dans une armée professionnelle. Matthew Ford explique aussi de façon très convaincante comment les forces spéciales et les unités d’élite sont des « prescripteurs de mode » influençant les autres régiments. À ce titre, ces unités sont tout particulièrement ciblées par les industries d’armement.

Ainsi, l’auteur rappelle à raison que les conditions socioculturelles et les valeurs influencent les choix techno­logiques militaires. Ce livre est particulièrement pertinent car il offre un angle d’analyse original sur des sujets déjà abondamment traités, comme l’innovation militaire ou le rôle du complexe militaro-industriel. La grille d’analyse de Ford serait certainement très intéressante à appliquer sur la sélection par la France du HK-416 pour remplacer ses FAMAS.

Rémy Hémez

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