Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2018). Zéphyr Dessus propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Anne Bazin et Charles Tenenbaum, L’Union européenne et la paix (Presses de Sciences Po, 2017, 240 pages).
Quel rôle l’Union européenne (UE) peut-elle jouer dans la gestion de conflits, la médiation, et in fine le maintien de la paix dans le monde ? C’est à cette question qu’une équipe de dix chercheurs internationaux dirigée par Anne Bazin et Charles Tenenbaum, deux maîtres de conférences distingués, essaie de répondre. Depuis Jérusalem, Amsterdam ou bien encore Cardiff, les contributeurs apportent leur expertise à cet ouvrage ambitieux et détaillé. C’est bien l’approche interdisciplinaire de ce travail ainsi que la variété des thématiques abordées qui font sa richesse.
L’ouvrage débute par une analyse des relations entre la Commission européenne et les organisations non gouvernementales, se focalise ensuite sur le développement des outils de médiation européens, avant de présenter un état des lieux des capacités militaires de l’UE. Les chapitres suivants abordent la question d’un peacebuilding européen et du tournant stratégique enclenché ces dernières années par les traités de Maastricht et Lisbonne. Les chercheurs s’appuient enfin sur trois études de cas (le processus de paix israélo-palestinien, l’instabilité somalienne, et la pacification du Caucase) pour présenter une évaluation concrète de l’action européenne sur le terrain.
De manière générale, l’ouvrage fait un bilan mitigé de la capacité de l’UE à promouvoir la paix dans le monde. En dépit de progrès considérables, notamment en termes de prérogatives politiques et juridiques – la création du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), le développement d’outils militaires, ou encore l’établissement d’une politique coordonnée d’aide au développement –, les lacunes militaires et les paralysies internes à l’Union l’empêchent de s’imposer comme un acteur crédible face aux grandes puissances.
L’exemple des battlegroups est frappant. Alors que l’Union s’est dotée en 2007 de bataillons prêts à intervenir à tout moment aux quatre coins du globe, ceux-ci n’ont jamais été déployés. Un manque de volonté politique des États membres, des financements collectifs trop maigres, et la primauté des intérêts nationaux ont immobilisé ce mécanisme. On constate de fait que durant les grandes crises – guerres de Yougoslavie, Afghanistan ou Libye par exemple – l’UE s’efface derrière les États et l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN).
Mais l’Union garde une influence majeure sur la scène internationale. Sa force actuelle réside principalement dans sa capacité à agir en amont et en aval des conflits. Impuissante durant les guerres des Balkans, elle a maintenant pris le relais en déployant des opérations qui contribuent à stabiliser la région. Absente durant l’intervention en Libye, l’UE s’est réinvestie dans la gestion post-conflit à travers de nombreuses aides financières et une mission d’assistance. Spectatrice en Ukraine et en Syrie, on peut néanmoins imaginer qu’elle aura un rôle fondamental à jouer dans leur reconstruction. Son rôle de médiateur s’étant graduellement institutionnalisé au sein du SEAE, l’UE dispose maintenant d’un véritable service permanent de médiation. La politique européenne de développement reste également un atout majeur pour atteindre ses ambitions.
Cet ouvrage se présente donc comme une véritable grille de lecture permettant de comprendre comment l’Union européenne œuvre pour la paix dans le monde, et quels sont les instruments variés dont elle dispose pour tendre vers cet objectif.
Zéphyr Dessus
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