Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2018). Denis Bauchard, conseiller pour le Moyen-Orient à l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage d’Alain Dieckhoff, Le conflit israélo-palestinien. 20 questions pour vous faire votre opinion (Armand Colin, 2017, 144 pages).

Comme le rappelle Alain Dieckhoff, 2017 représente un triple anniversaire : celui de la déclaration Balfour qui, en 1917, se prononçait en faveur d’un foyer national juif ; celui de la résolution des Nations unies du 29 novembre 1947 qui appelle à la création de deux États, l’un arabe, l’autre juif ; celui enfin la guerre des Six Jours de juin 1967 qui permit à Israël d’occuper la partie est de Jérusalem, la Cisjordanie et la bande de Gaza. Ce rappel montre à quel point le conflit israélo-palestinien s’inscrit dans la durée. Un siècle plus tard, aucune solution politique satisfaisante ne semble proche.

Les accords d’Oslo de 1993 ont fait poindre un espoir qui s’est rapidement évanoui après l’assassinat d’Yitzhak Rabin. Après des négociations intermittentes qui s’étirent sur plus de 25 ans, le processus de paix est dans l’impasse, voire en mort clinique. Cependant, à l’heure de la décision américaine de déplacer l’ambassade de Tel Aviv à Jérusalem et de l’élaboration d’un deal par Jared Kushner, gendre du président Trump, cet ouvrage représente un vade-mecum très pertinent pour comprendre l’un des plus vieux et des plus complexes conflits non résolus, qui constitue toujours un baril de poudre en suspension dans cette région instable.

Toutes ces raisons appelaient effectivement à faire le point de façon aussi sereine que possible sur ce sujet qui, de part et d’autre, suscite des engagements souvent passionnés. Nul mieux qu’Alain Dieckhoff ne pouvait avoir cette sérénité, pour écrire cet ouvrage de synthèse, compte tenu de sa connaissance de la politique intérieure d’Israël comme de celle de l’évolution de la question palestinienne. De ce conflit, il propose avec succès « une approche raisonnée de ses origines, de ses logiques, de ses dynamiques, une approche qui permet de restituer les indispensables complexités ».

Le libellé des 20 questions classées par ordre chronologique témoigne de cette volonté de décrypter tous les aspects de ce conflit multiforme. Parmi celles-ci, citons : pourquoi juifs et arabes s’affrontent-ils en Palestine depuis 100 ans ? Pourquoi un processus de paix est-il lancé depuis 1990 ? Les États-Unis sont-ils un acteur ­impartial ? Pourquoi l’Europe, dont les liens sont étroits avec Israël, a-t-elle été marginalisée ? La solution des deux États qui, à un moment donné, a été reconnue seule solution possible est-elle menacée, voire morte ? Jérusalem peut-elle être la capitale des deux États ? Ce conflit aura-t-il une fin ?

La conclusion de l’auteur sur cette dernière question n’est pas spécialement optimiste, et l’évolution récente du contexte depuis la parution du livre ne peut que renforcer cette impression. « La situation de “paix partielle/guerre intermittente” peut encore perdurer ». Certes, toutes les guerres s’achèvent un jour, mais à quel prix ? En l’espèce, on peut craindre que la solution des deux États ne soit morte avec le développement des colonies de peuplement à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, et la perspective d’une annexion progressive de l’essentiel des territoires palestiniens à la demande de plusieurs partis de la majorité actuelle en Israël. Se dirige-t-on vers une occupation permanente de ces territoires ? La solution de l’État unique est-elle réaliste ? Israël ne risquerait-il pas dans cette hypothèse de perdre son âme, et de ne plus être un État démocratique ? Autant de questions ouvertes ; mais le temps ne travaille pas en faveur de la paix.

Denis Bauchard

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