Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°3/2018). Jean-Christophe Noël propose une analyse de l’ouvrage de John Andreas Olsen, Routledge Handbook of Air Power (Routledge, 2018, 416 pages).

Si des théoriciens américains comme John Warden ou John Boyd ont participé au renouveau de la puissance aérienne dans les années 1990, il semble que le flambeau ait dorénavant été repris par l’aviateur norvégien John Andreas Olsen. Depuis une quinzaine d’années, il enrichit régulièrement la réflexion sur l’exploitation stratégique de la troisième dimension en dirigeant ou en écrivant des ouvrages sur l’histoire de la pensée aérienne, sur l’utilisation de l’aviation militaire.

Il dirige ainsi un Routledge Handbook of Air Power dont le but est d’offrir un recueil où tous les aspects de la puissance aérienne sont abordés, à partir duquel il sera possible d’en apprécier les atouts comme d’en comprendre les limites. Le livre est divisé à cet effet en cinq parties. La première traite des fondations, au travers notamment de la théorie, de l’histoire ou de l’influence de la technologie. La deuxième porte sur la manière dont les effets de la puissance aérienne sont fournis ; les différents types de missions sont ici évoqués et commentés. La troisième partie se concentre sur les liens qui unissent l’action dans la troisième dimension et l’action dans d’autres milieux physiques (terre, mer, cyber, espace) ou en coordination avec d’autres acteurs (forces spéciales, agences de renseignement notamment). La partie suivante, sûrement la plus originale, s’intéresse au contexte politique, social et économique, pour aborder des sujets divers comme la diplomatie coercitive, les coûts de l’aviation de chasse, ou les rapports de la puissance aérienne avec les médias et la culture populaire. La cinquième et dernière partie est composée d’études de cas, avec la description des puissances aériennes chinoise, russe, indienne, pakistanaise, brésilienne et japonaise.

La grande force de ce livre est de montrer que la puissance aérienne est loin de se résumer à des avions performants dopés par la technologie. Son développement et sa mise en œuvre nécessitent un environnement complexe, parfaitement décrit ici. Comme l’affirme l’auteur, la technologie de cinquième génération doit être accompagnée d’une adaptation organisationnelle et d’une pensée stratégique de cinquième génération pour fonctionner.

L’amateur curieux pourra ici structurer ses connaissances, tandis que le spécialiste les enrichira au détour de contributions écrites par d’excellents experts. L’ensemble est de haute tenue et il faut féliciter le colonel Olsen pour avoir mené à bien cette entreprise utile.

Reste néanmoins un regret pour le lecteur français. Un fort biais anglo-saxon domine les articles, rédigés il est vrai par des auteurs américains, britanniques ou nordiques, si l’on met de côté les textes sur les armées de l’Air nationales. L’aviation militaire ou l’industrie françaises ne sont évoquées qu’en passant. Bien que la France ait participé à la plupart des grandes opérations aériennes depuis 1990, le modèle de puissance aérienne « à la française » peine à rayonner. Est-ce parce qu’il est mal défini ? Est-ce par désintérêt ou par négligence de notre part ? Est-ce la faute de nos alliés anglo-saxons qui sont aussi des rivaux industriels ? L’intérêt de ce livre est aussi de poser, en creux, la question.

Jean-Christophe Noël

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