Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère
(n° 4/2018)
. Krzysztof Soloch propose une analyse de l’ouvrage de Jan Cienski, Start-Up Poland: The People Who Transformed an Economy (University Press of Chicago, 2018, 272 pages).

En 2019, la Pologne fêtera 30 ans de liberté. Les Polonais salueront le formidable décollage économique qui a accompagné cette tranche d’histoire. Le livre de Jan Cienski arrive à point nommé. Durant plus de dix ans, comme responsable du bureau polonais du prestigieux Financial Times, il fut un témoin direct des changements économiques exceptionnels qui ont permis à la Pologne non seulement de doubler son produit intérieur brut, mais surtout d’échapper à la récession en 2009, et de devenir le seul pays d’Europe à enregistrer une croissance continue depuis 1992.

Bien que nombre d’analyses économiques aient déjà été consacrées à la Pologne de cette période, l’ouvrage de Jan Cienski a le mérite d’aborder la question de la transition économique en s’écartant des sentiers battus. Le lecteur n’est pas inondé de données statistiques, mais découvre la naissance du capitalisme polonais à travers des histoires personnelles de pionniers polonais qui ont pris le risque de développer leurs propres affaires dans le contexte particulier d’une économie post-communiste dévastée.

Le livre s’ouvre sur le passage douloureux d’une République populaire à la Troisième République. Les réformes économiques mises en place par le premier gouvernement de Tadeusz Mazowiecki sont racontées par des entrepreneurs qui soulignent eux-mêmes que rien n’était gagné d’avance, et que l’impopularité de ces réformes aurait pu être utilisée par les communistes pour détourner la Pologne du chemin menant vers un système libéral. Le lecteur découvre alors qu’à la fin des années 1980, 75 % de l’économie polonaise était sous monopole d’État ; seule la campagne était relativement épargnée. Les communistes n’ont en effet jamais réussi à soumettre la campagne polonaise – idée aussi absurde, commente l’auteur, que de tenter de mettre une selle à une vache, comme disait Staline. Dans le même temps, Jan Cienski explique comment, à la fin de la période communiste, les Polonais ont appris à se débrouiller. Leur esprit d’entreprise les a servis après la chute du communisme.

Dans les chapitres suivants, l’auteur met en lumière l’évolution très dynamique du secteur privé en Pologne au début des années 1990 – une caractéristique de la transition polonaise. Ce dynamisme était inconnu dans d’autres pays de l’ancien bloc communiste.

Le côté novateur de l’ouvrage mérite d’être souligné. Le lecteur plonge dès les premières pages dans la vie personnelle d’entrepreneurs qui ont dû faire face à l’absence de banques modernes, à des impôts très élevés, à des problèmes de visas, à des douanes et des administrations mal préparées pour les accompagner. Grâce à ces récits, le lecteur saisit l’importance de ce secteur privé qui a majoritairement contribué au succès de la transition économique polonaise. Certaines comparaisons peuvent être jugées hasardeuses, notamment lorsque l’auteur parle d’« oligarques polonais » en décrivant les investisseurs les plus fortunés de Pologne. Or il est difficile de comparer les entrepreneurs polonais aux oligarques de Russie ou d’Ukraine, dont la fortune provient souvent de transactions peu transparentes.

Sans conteste, cet ouvrage, qui peut se lire d’une seule traite, est d’une grande utilité pour comprendre l’un des aspects du succès de la transition économique polonaise.

Krzysztof Soloch

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