Cette recension a été publiée dans le numéro d’été de Politique étrangère
(n° 2/2019)
. Jean-Christophe Noël, chercheur associé au Centre des études de sécurité de l’Ifri,  propose une analyse de l’ouvrage de Rob Weighill et Florence Gaub, The Cauldron: NATO’s Campaign in Libya (Hurst, 2018, 240 pages).

Voici un livre qui décrit la genèse, le déclenchement et la conduite de l’opération Unified Protector menée en 2011 par l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) au-dessus et au large de la Libye. Suite au soulèvement d’une partie de la population libyenne, cette opération avait pour but d’assurer la mise en œuvre de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies. Rappelons que cette résolution prévoyait la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne dans le ciel de la Libye, et l’usage de tous les moyens nécessaires pour protéger les populations civiles, à l’exception de forces d’occupation étrangères.

L’ouvrage est signé Florence Gaub, actuelle directrice adjointe de l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne à Paris et ancien membre du NATO Defence College, et par le Major-General Rob Weighill, aujourd’hui à la retraite, mais qui fut responsable de la planification de l’opération, et dirigea la manœuvre depuis le Joint Force Command de l’OTAN à Naples. La thèse du livre est simple : l’OTAN a fait son travail et rempli sa mission. La détérioration de la situation, comme le chaos actuel, trouvent notamment leur origine dans l’absence de vision et de consensus politiques entre les différents acteurs impliqués dans la crise, dans le manque de clarté de la résolution 1973, et dans les limites du principe de la Responsabilité de protéger, qui privilégie selon les auteurs les actions de court terme sans s’interroger sur leurs conséquences à long terme.

Le livre peut être lu à deux niveaux. C’est d’abord un récit, remarquablement écrit, des événements advenus entre le déclenchement du printemps arabe en Libye et la mort du dirigeant libyen, lynché par ses opposants. Toutes les étapes de la crise sont évoquées, avec un réel effort de documentation. Notes et bibliographie occupent ainsi un tiers du livre. Les sources utilisées sont principalement des extraits de presse ou de reportages de l’époque, qu’ils soient européens, anglo-saxons ou arabes. Notons que si tous les aspects controversés de cette affaire libyenne sont mentionnés, ils sont parfois tranchés de manière rapide, en s’appuyant seulement sur quelques articles de presse.

Le second niveau de lecture correspondrait à un exposé des événements en fonction de leur influence sur la conduite du niveau opératif de la guerre. On ne trouvera pas dans cet ouvrage de rapport de combat aérien ou terrestre. Les auteurs montrent, de manière plutôt convaincante, comme les décisions politiques, les manœuvres diplomatiques ou le rapport des forces au sol entre belligérants libyens influencent la planification et la conduite des opérations. Les différences de visions politiques entre membres de la coalition, le choix des nations de conserver une certaine autonomie en limitant le partage du renseignement, ou l’usage de leurs capacités militaires, freinent régulièrement les travaux des officiers d’état-major en charge des opérations.

Ce livre n’est pas un ouvrage de science politique. Nul modèle théorique n’est proposé pour rendre compte des événements. Il ne tente pas d’évaluer les effets de la crise sur l’état du monde actuel, en interprétant par exemple le début du lead from behind américain, ou l’agacement russe qui va bientôt nourrir l’activisme de Moscou. C’est avant tout un récit détaillé et intelligent des opérations, et de leur contexte, qui reste extrêmement utile. Mais le livre définitif sur ces événements reste à écrire.

Jean-Christophe Noël

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