Cette recension a été publiée dans le numéro d’été de Politique étrangère (n° 2/2019). Jean-Christophe Noël, chercheur associé à l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Stéphane Taillat, Amaël Cattaruzza et Didier Danet, La Cyberdéfense. Politique de l’espace numérique (Armand Colin, 2018, 256 pages).
La Cyberdéfense. Politique de l’espace numérique est un livre écrit sous la direction de trois chercheurs du pôle « Mutations des conflits » du Centre de recherche des écoles de Coëtquidan (CREC Saint-Cyr). Stéphane Taillat, Amaël Cattaruzza et Didier Danet sont respectivement spécialisés dans l’histoire et les relations internationales, la géographie et les sciences en gestion. Ils ont profité de leur complémentarité et ont su s’entourer pour cet ouvrage de spécialistes français de la cyberdéfense, afin de présenter de manière exhaustive les enjeux de défense liés à l’émergence de ce nouveau milieu artificiel.
Une évidence les anime, présentée dès l’introduction : « le social et le politique doivent être placés au cœur de l’analyse ». Il s’agit donc de tirer le fil de cette intuition et de décliner la cyberdéfense, entendue comme « une certaine conception de l’action sur, dans ou au travers [d]es réseaux numériques et [d]es activités qu’ils soutiennent », au vu de ces différents prismes.
Trois grandes parties structurent à cet effet le livre. La première traite du contexte global de la cyberdéfense. Elle confirme l’approche des auteurs, en mettant en avant l’importance stratégique du cyberespace et sa place dans la conflictualité internationale. Les aspects sociaux, sociotechniques et juridiques sont également décrits. Les auteurs martèlent le fait qu’il faut dépasser une simple approche technique du cyberespace pour bien en comprendre les enjeux. La deuxième partie est consacrée aux enjeux internationaux du domaine numérique. Les questions liées à la souveraineté ou au Big Data sont abordées. L’importance de la maîtrise des data centers ou du cloud computing est soulignée. Les approches américaine et russe sont enfin décrites. La troisième et dernière partie explore les aspects opérationnels, avec des contributions très diverses sur les doctrines et les dispositifs actuels, ainsi que sur les stratégies défensives et offensives. Le livre se termine par une brève évocation de ce que pourrait être l’espace cyber en 2040, qui souligne l’importance pour l’avenir de l’impression 3D, de l’intelligence artificielle et de la blockchain.
Ce livre est un manuel. L’essentiel des problématiques actuelles est abordé, ce qui permet à un lecteur novice, ou curieux, d’avoir les bases indispensables pour structurer ses connaissances dans le domaine de la cyberdéfense. Il est à cet égard très précieux. C’est aussi un livre écrit à plusieurs mains. Plus d’une vingtaine d’auteurs ont contribué à sa rédaction, d’où la prise en compte de points de vue divers et riches – ce qui peut susciter, ici ou là, quelques enchaînements manquant de fluidité entre les chapitres. Certains regretteront l’absence d’auteurs étrangers reconnus, mais le choix des auteurs valorise le développement et la diffusion de la réflexion française, indispensable pour tenir un rôle stratégique. Le lecteur lira cet ouvrage avec profit, ouvrage dont les qualités ont été récemment soulignées par l’obtention du Prix de la cyberdéfense, attribué par le dernier Forum international de la cybersécurité (FIC) organisé à Lille en janvier 2019.
Jean-Christophe Noël
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