Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps de Politique étrangère (n°1/2020). John Seaman propose une analyse de l’ouvrage de Richard McGregor, Xi Jinping. The Backlash (Penguin Random House, 2019, 144 pages).
Journaliste expérimenté devenu chercheur au Lowy Institute à Sydney, Richard McGregor est un analyste avisé de la scène politique chinoise, et déjà l’auteur de The Party. The Secret World of China’s Communist Rulers (Harper Collins, 2010), récit éclairant de la vie au sein du Parti communiste chinois. Dans le présent ouvrage, succinct mais tranchant, l’auteur poursuit son histoire avec l’arrivée au sommet du pouvoir de Xi Jinping fin 2012, et la manière dont celui-ci transforme la scène politique chinoise et dessine une place centrale pour la Chine dans le monde.
Il explique comment, sur le plan interne, Xi a réussi à consolider son pouvoir comme aucun autre leader chinois depuis Mao. Sur le plan international, Xi pilote une Chine à l’ambition ample, et ouvertement décomplexée. Si l’on peut trouver des analyses plus étayées du personnage, de la philosophie politique et du style de leadership de Xi – par exemple chez François Bougon (Dans la tête de Xi Jinping, Actes Sud, 2017) ou Elizabeth C. Economy (The Third Revolution, Oxford University Press, 2018), McGregor nous porte à réfléchir sur les conséquences et les réactions que suscitent les méthodes de l’homme fort de la Chine.
En Chine même, les ennemis politiques potentiels de Xi Jinping ne doivent, théoriquement, pas manquer. Au-delà des sources d’opposition classiques, Xi a notamment mené une lutte anti-corruption qui perdure jusqu’à aujourd’hui, et a déjà touché 2,7 millions d’individus à tous les niveaux de pouvoir. Comme l’explique l’auteur, une telle transformation ne peut que créer des ennemis en interne – parmi les déchus du gouvernement, de l’armée, de l’industrie, de l’université, mais aussi parmi ceux qui dépendaient des réseaux de patronage de ces derniers. C’est donc là une entreprise dangereuse, qui explique en partie, dans un cercle vicieux, une prise de contrôle politique de plus en plus forte de la société chinoise. L’ouvrage a été publié avant l’escalade des tensions à Hong Kong, avant les élections présidentielles à Taïwan, mais ces deux développements ne feront sans doute que compliquer l’affaire pour le leader chinois.
Au niveau international, le backlash contre la Chine se fait aussi de plus en plus visible, surtout en Occident. McGregor choisit quatre cas d’étude : les États-Unis, l’Australie, l’Allemagne et Singapour, pour montrer les différentes raisons pour lesquelles des États peuvent s’inquiéter de manière croissante de la Chine – qu’il s’agisse de concurrence « déloyale », de son modèle économique, de son ingérence cachée mais réelle dans les affaires politiques d’autrui, ou encore de sa militarisation et des nouveaux équilibres géopolitiques qu’elle essaie de créer.
L’auteur explique que, dans une certaine mesure, cette résistance à la Chine sert le narratif du Parti : la Chine serait une victime de l’histoire, les puissances étrangères ne cherchant qu’à saper son émergence. Néanmoins, les autorités à Pékin s’inquiètent d’un front uni antichinois et se mobilisent pour le préempter – à travers l’isolement ou la punition de certains, ou des arrangements accommodants avec d’autres. Après tout, il semble que seuls les États-Unis puissent se permettre une confrontation directe avec la Chine aujourd’hui, et y être prêts. Et encore…
John Seaman
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