La rédaction de Politique étrangère vous offre de (re)lire des textes qui ont marqué l’histoire de la revue. Nous vous proposons aujourd’hui un article d’Alfred Grosser, intitulé « Le jeu politique allemand. La situation intérieure et les positions internationales », et publié dans le numéro d’hiver 1951.

On peut dire que, depuis bien longtemps, en Europe, il n’y a plus d’évolution de la politique intérieure qui puisse se dissocier de l’évolution de la politique internationale. C’est ainsi, par exemple, que la date la plus importante de l’histoire de France, depuis 1945, est la même que pour l’Allemagne : c’est l’échec de la Conférence de Moscou, en mars-avril 1947. Elle a marqué, pour la France, le départ des communistes du pouvoir quelques semaines plus tard et, pour l’Allemagne, la séparation progressive en Allemagne orientale et en Allemagne occidentale.

Les répercussions de la politique internationale sur la politique intérieure peuvent être de tous ordres. Par exemple, des répercussions immédiates s’exercent sur l’économie et sur les structures sociales intérieures à la suite d’une conjoncture de réarmement et de coupure du monde en deux. Un autre aspect que nous signalons pour ne plus y revenir, c’est l’intervention directe d’un pays étranger ; ceci est particulièrement sensible en Allemagne. Voici un récent exemple : 15 millions de Deutschmarks vont être « prêtés » à la presse allemande, théoriquement pour améliorer ses conditions d’exploitation ; 33 journaux allemands vont recevoir de ces subsides d’outre-Atlantique : la Franckfurter Rundschau est en tête avec 1,6 millions de marks, sans doute parce qu’elle est très liée avec M. Kempner, l’accusateur général à Nuremberg ; la petite Vœlkische Zeitung vient en queue de liste, avec simplement 50 000 marks. Il s’agit bien d’une influence « internationale » sur la politique intérieure.

En revanche, on peut citer des cas où la politique intérieure influe sur le développement de la politique internationale. C’est ainsi que la résistance allemande au réarmement (et la résistance française également) a eu une répercussion profonde sur les négociations entre Alliés.

Il y a interpénétration de ces problèmes. Ceux-ci sont nombreux et forment un mélange inextricable où l’on a peine à voir clair : évolution intérieure allemande ; rapports franco-allemands ; rapports de l’Europe et de l’Amérique, de l’Amérique et de l’U. R. S. S. ; problème de l’unité, problème du réarmement — tous deux inséparables du problème des réfugiés allemands ; problème des débouchés économiques de l’Allemagne et de la stabilité économique européenne. On peut, en tout cas, tenter d’y apporter quelque lumière. Cela est d’autant plus nécessaire que, dans l’ensemble, le public français manque de moyens d’information sur l’Allemagne et sur la politique internationale en général [1].

[1] La presse française est à peu près dépourvue, en Allemagne, de correspondants permanents sérieux, à une exception près. Si on cherche, parmi les quotidiens, celui qui publie une information régulière comprenant le texte des documents les plus importants concernant l’Allemagne, il faut avoir recours au New York Times.

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