Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne de Politique étrangère
(n° 3/2020). Hans Stark, ancien secrétaire général du Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Frédéric Bozo et Christian Wenkel, France and the German Question, 1945-1990 (Berghahn Books, 2019, 308 pages).
On ne compte plus les livres sur les relations franco-allemandes. Celui qu’ont dirigé Frédéric Bozo et Christian Wenkel se démarque tout d’abord parce qu’il ne traite de la position (ou des positions) de la France face à la « question allemande » que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la fin du conflit Est-Ouest. L’approche des deux directeurs de cet ouvrage, qui enseignent l’histoire contemporaine à l’université Paris 3 Sorbonne Nouvelle (F. Bozo) et à l’université d’Artois (C. Wenkel), arrive à point nommé, nombre de spécialistes s’interrogeant aujourd’hui sur le retour, voire la permanence d’une question allemande (voir par exemple : Robert Kagan, « The Next German Question », Foreign Affairs, mai-juin 2019). On avait donc tort de penser que l’unification avait enterré la question allemande. Mais si retour il y a, il n’est pas dû à une fracture allemande, mais à des fractures européennes, économiques, institutionnelles et politiques, ainsi qu’à l’affaiblissement relatif de la France et de la Grande-Bretagne.
D’où la nécessité, pour mieux en comprendre les origines, de placer la question allemande dans son contexte véritable : celui de la division allemande et de la division Est-Ouest – contexte très différent de celui que nous vivons actuellement. Réunissant les travaux d’une quinzaine d’historiens, l’ouvrage se divise en six grandes parties, consacrées à la période de la sortie de la Seconde Guerre mondiale, à la naissance du système des deux blocs, à la politique de De Gaulle, à l’Ostpolitik, aux changements intervenus durant les années 1980, enfin à l’effondrement du système Est-Ouest. Chaque partie se composant de deux à trois articles, les directeurs de l’ouvrage parviennent à analyser de façon à la fois synthétique et assez exhaustive la problématique de la question allemande et des défis qu’elle a lancés à la diplomatie française durant cette période. La chronologie des événements est respectée, mais cet aspect passe élégamment à l’arrière-plan, chaque contribution ayant sa logique propre.
On a là droit à une approche globale assez originale, l’ennui d’une énième analyse bilatérale des relations franco-allemandes (fût-ce sous l’angle de la politique française face à la « question allemande ») étant écarté par le cadre presque systématiquement trilatéral des contributions. Ainsi le rapport entre la France et la question allemande est‑il analysé en tenant compte du contexte de la construction européenne, de la sécurité transatlantique et de la politique à l’Est, ou bien des triangles que la France et l’Allemagne de l’Ouest formaient jadis avec des pays tiers comme la Grande-Bretagne, les États-Unis, l’Autriche, la Pologne, ou l’URSS, voire même la République démocratique allemande (RDA).
Enfin, cet ouvrage présente aussi des problématiques plus rarement analysées, mais riches en informations, comme les divergences franco-allemandes au sujet d’une éventuelle monnaie commune dans les années 1970, ou bien les rapports et échanges entre François Mitterrand et Willy Brandt. Pour prendre toutes les dimensions de l’attitude française face à la question allemande, l’ouvrage de Frédéric Bozo et Christian Wenkel est indispensable.
Hans Stark
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