Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver 2020-2021 de Politique étrangère (n° 4/2020). Antoine Maire propose une analyse de l’ouvrage d’Alicia Campi, Mongolia’s Foreign Policy (Lynne Rienner, 2019, 352 pages).
Cet ouvrage a l’intérêt d’offrir une vision exhaustive des actions de politique étrangère mises en œuvre par la Mongolie après la révolution démocratique de l’hiver 1989-1990. Cette révolution fait office de charnière. Elle a vu le pays passer du socialisme à la démocratie et à l’économie de marché. Elle a in fine permis aux autorités locales de rompre avec l’alignement sur les positions soviétiques qui a caractérisé la diplomatie mongole pendant l’essentiel du xxe siècle. Cette révolution a ouvert la voie à la mise en œuvre d’une politique étrangère autonome, affirmant l’indépendance et la souveraineté de la Mongolie dans un contexte marqué par son enclavement géographique entre la Chine et la Russie.
L’auteur présente la stratégie mongole d’intégration régionale ainsi que les relations nouées par le pays avec ses partenaires. À cet égard, la réflexion développée sur la politique mongole de soft power constitue une contribution originale, qui mérite d’être saluée. L’ouvrage éclaire également le glissement sémantique connu par le concept de « troisième voisin », pierre angulaire de la stratégie internationale de diversification des partenaires de la Mongolie, et qui a conduit les autorités à élargir son champ d’application. Il met ainsi en lumière une diplomatie mongole proactive, qui entend répondre à un monde en évolution rapide. Alicia Campi propose un concept pour résumer cette stratégie flexible et opportuniste : la « stratégie du loup ». Cette pratique résulterait selon elle d’une mentalité nationale profondément marquée par le pastoralisme nomade, mode de vie qui est encore celui de près d’un tiers de la population en Mongolie.
Si l’ouvrage offre une vision exhaustive des initiatives mises en œuvre par les autorités mongoles en matière de politique étrangère, celle-ci aurait mérité d’être complétée par une étude des conditions d’élaboration de cette dernière. Cette absence laisse à penser que la politique étrangère mongole résulte d’un acteur unitaire et rationnel, l’État, escamotant les débats et tensions que suscite la formulation de cette politique dans le champ politique local. Une analyse des controverses générées par le projet de statut de neutralité permanente, ou la position mongole dans l’Organisation de coopération de Shanghai aurait permis d’illustrer utilement ce point.
L’auteur choisit explicitement de ne pas aborder les évolutions politiques internes, mais ce parti pris limite la portée de l’analyse. L’étude de certains moments cathartiques, par exemple la négociation de grands contrats miniers, en offre un exemple puisqu’elle est uniquement menée à l’aune du concept de « stratégie du loup ». Ce choix occulte mécaniquement les dissensions qui apparaissent lors de ces moments entre les acteurs mongols et la diversité des alliances qu’ils sont amenés à nouer avec des partenaires étrangers.
La lecture de l’ouvrage d’Alicia Campi n’en demeure pas moins stimulante. Outre une synthèse inédite de la diplomatie de la Mongolie depuis 1990, il offre de nombreux exemples de la manière dont un « petit pays » est en mesure d’exister sur la scène internationale. Il permet ainsi de dépasser, s’il en était encore besoin, le postulat selon lequel la politique étrangère de ces États se résumerait à un simple alignement sur la puissance dominante. L’ouvrage illustre au contraire la spécificité et l’ingéniosité des stratégies qu’ils déploient sur la scène internationale.
Antoine Maire
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