Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps 2021 de Politique étrangère (n° 1/2021). Nicolas Destrée propose une analyse de l’ouvrage de Sabith Khan et Daisha M. Merritt, Remittances and International Development: The Invisible Forces Shaping Community (Routledge, 2020, 216 pages).
Les transferts de revenu des migrants vers leur pays d’origine (remittances) ont fortement augmenté depuis la fin du XXe siècle. Ils ont été estimés par la Banque mondiale à plus 650 milliards de dollars en 2019 contre 37 milliards en 1980 (soit une hausse d’environ 1 660 %). Outre la synthèse des recherches socioéconomiques sur les fondements des transferts et leurs effets, Sabith Khan et Daisha Merritt ont pour objectif de proposer des théories complémentaires. Ils adoptent pour cela une démarche inductive, leur analyse étant basée essentiellement sur deux paires de pays émetteurs-receveurs : Arabie Saoudite et Inde, et États-Unis et Mexique. Ce choix, bien que cohérent, mérite peut-être plus d’explications. Néanmoins, on ne peut que remarquer la variété d’enquêtes et données utilisées dans cet ouvrage pertinent qui évoque des aspects originaux de ces flux.
Les auteurs exposent d’abord les motifs d’envoi. Ils présentent ceux mentionnés dans la littérature économique comme – entre autres – l’altruisme ou l’investissement. De surcroît, ils fournissent une analyse sociologique en exposant notamment le rôle du genre, les concepts d’identification, d’assimilation ou d’intégration, les pratiques de communautés, et l’hypothèse du statut selon laquelle les transferts permettent aux migrants de retrouver un statut social au sein de leur communauté. Cette analyse, suivie d’une description des évolutions des moyens de transfert, permet aux auteurs de présenter les montants et les coûts d’envoi.
La suite se focalise sur les pays précédemment cités pour analyser, dans les États émetteurs et receveurs, les relations entre ces flux, leurs déterminants, leur perception, leurs effets socioéconomiques et les politiques menées. Dépendant de motivations diverses, les transferts affectent le développement économique et les cultures, mais aussi la perception de l’immigration. Ainsi sont énumérés les programmes mis en place par certains pays receveurs pour limiter le blanchiment d’argent, diriger ces flux vers les dépenses productives, réduire les coûts et inciter à l’utilisation de services financiers. Ces flux sont souvent vus comme un outil de développement, mais leurs effets peuvent être négatifs en l’absence de politiques cohérentes. D’un autre côté, considérant les transferts comme étant une perte de revenu et comme étant parfois illégaux, certains États émetteurs expriment la volonté de taxer ces transferts, ou de réduire l’immigration. Cette partie aborde également le poids croissant des diasporas et des transferts dans les relations diplomatiques.
L’approche interdisciplinaire, tout comme les recherches de terrain, sont bienvenues. Néanmoins, chaque chapitre pouvant être considéré comme un travail autonome, le lecteur peut avoir des difficultés à comprendre leur ordre et le lien qui les unit. Cette organisation engendre de nombreuses répétitions tout au long de l’ouvrage. Le lecteur pouvait également s’attendre à une description plus précise des effets économiques, dans un chapitre dédié, recensant les multiples études existantes. Un tel chapitre aurait peut-être permis de mieux comprendre les diverses relations évoquées dans la seconde moitié de l’ouvrage. Enfin, selon la littérature, certains effets des transferts diffèrent en fonction des pays. Dès lors, serait-il possible de mettre en évidence de nouvelles relations en intégrant des États supplémentaires dans l’analyse ?
Nicolas Destrée
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