Cette recension a été publiée dans le numéro d’été 2021 de Politique étrangère (n° 2/2021). Carole Mathieu, chercheuse au Centre Énergie & Climat de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Christian de Perthuis, COVID-19 et le réchauffement climatique (De Boeck Supérieur, 2020, 144 pages).
Professeur et fondateur de la chaire d’Économie du climat à l’université Paris-Dauphine, Christian de Perthuis analyse ici la réponse collective face à la pandémie pour en tirer des leçons sur la manière dont nos sociétés peuvent faire face à une autre grande menace existentielle : celle du changement climatique.
Rédigé au printemps 2020, cet essai prend directement appui sur l’expérience inédite du confinement et d’une mise à l’arrêt soudaine de la production et des échanges. Cette rupture amène l’économiste à s’interroger sur le parallèle entre crise sanitaire et crise climatique, du point de vue de leurs origines, de leurs temporalités et surtout des mesures prises en réaction par les pouvoirs publics. Dès les premières pages apparaît ce qui fait la force du raisonnement : sa capacité à clarifier les choix de politique publique en explicitant leurs conséquences économiques et leur incidence sur la trajectoire d’émission de gaz à effet de serre. L’auteur s’inscrit bien dans le débat sur le « monde d’après », non pour proposer un nouveau projet de société, mais dans la perspective d’accroître la résilience des systèmes économiques face aux risques globaux. Il enrichit sa réflexion de références aux travaux d’autres économistes, de sociologues, d’anthropologues et de philosophes : c’est bien l’ensemble des sciences humaines qu’il faut mobiliser pour penser une sortie des crises sanitaire et climatique.
Le chapitre consacré au projet de relance verte de l’Union européenne est particulièrement éclairant, car il permet de mesurer l’intérêt économique et climatique d’un investissement public ciblé sur les solutions bas-carbone, mais aussi de comprendre à quelles conditions le gonflement des dettes peut être soutenable. Deux mises en garde sonnent particulièrement juste dans ce débat européen. La première se réfère aux difficultés sociales associées au désinvestissement des énergies fossiles et au bilan incertain de la relance verte en termes de création nette d’emplois, en particulier dans un contexte marqué par l’accélération de la transition numérique. La seconde pointe la nécessité d’allier investissement public et réforme fiscale à vocation redistributive, sans quoi la cohésion sociale serait menacée et empêcherait aussi toute montée en puissance de la tarification du carbone. Or le débat européen sur la fiscalité est aujourd’hui impossible, dans la mesure où la prise de décision est bloquée par la règle du vote à l’unanimité ; et les lignes ne semblent pas près de bouger, si l’on s’en tient au périmètre de l’Union à 27. Enfin, Christian de Perthuis dépasse la question des paramètres du plan de relance pour poser les termes d’un débat plus fondamental encore pour l’Europe : celui qui oppose les tenants de la 4e révolution industrielle à ceux qui font l’éloge de la décroissance comme seule voie possible pour prévenir la multiplication des pandémies, la catastrophe climatique et le déclin de la biodiversité.
On pourra regretter ici que l’auteur se contente d’évoquer les risques de fuite en avant, et d’appeler à donner la priorité au capital naturel, sans véritablement prendre parti. Peut-être faut-il y voir la prudence légitime d’un économiste qui ne veut pas s’aventurer dans le champ du politique, laissant plutôt au lecteur la tâche de se forger un avis en poursuivant ses lectures…
Carole Mathieu
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