Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne 2021 de Politique étrangère (n° 3/2021). Raphaël Briant, chercheur au Centre des études de sécurité de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Philippe Steininger, Les fondamentaux de la puissance aérienne moderne (L’Harmattan, 2020, 224 pages).
Philippe Steininger rejoint le général Forget qui, avec quelques rares auteurs, a animé la pensée stratégique française sur la puissance aérienne[1]. Avec ce livre, l’auteur ne se contente pas d’une simple mise à jour des grands principes stratégiques qui sous-tendent l’emploi de l’arme aérienne en les adaptant aux réalités du XXIe siècle. Il livre un véritable plaidoyer pour la puissance aérienne, appuyé sur une connaissance intime des opérations aériennes et sur la vision d’un chef militaire rompu aux plus hautes responsabilités.
À partir d’un parcours de pilote de chasse dans l’armée de l’Air et de l’Espace – qui l’amène à piloter Mirage IIIE, Jaguar, F4-F Phantom II et Mirage 2000, ainsi qu’à commander les Forces aériennes stratégiques (FAS) – et d’une expérience de conseiller militaire au Centre national des études spatiales (CNES), le général Steininger expose avec clarté les principes fondamentaux qui régissent l’emploi de l’arme aérienne dans les conflits contemporains. Son analyse est éclairée de nombreux exemples historiques, distillés tout au long de l’ouvrage.
Ce dernier s’articule en trois parties inégales mais complémentaires : les caractéristiques fondamentales de la puissance aérienne, ses spécificités et enfin les enjeux pour l’avenir. L’auteur construit sa démonstration en développant les effets de l’arme aérienne dans les sphères physique, mentale et morale. La première partie s’ouvre avec la « diplomatie aérienne », dont il rappelle les dimensions « positives » mais également « coercitives ». Il égrène ainsi l’ensemble des modalités d’expression de la puissance aérienne, ne la restreignant pas à sa dimension militaire.
Rien d’étonnant d’ailleurs à ce que l’auteur insiste sur la forte dimension politique de cet outil militaire. Le général Steininger, en épigone de John Warden, souligne l’essence stratégique de l’arme aérienne, dont le bombardement stratégique est le mode d’expression optimal. Pour autant, il reconnaît que l’image de puissance et d’efficacité qui l’entoure peut également se retourner contre elle. Avec subtilité et rigueur intellectuelle, il réussit à nuancer le débat sur la puissance aérienne sans tomber dans le dogmatisme.
La fin de l’ouvrage est consacrée aux enjeux pour l’avenir. Observant la contraction du format des forces aériennes à un moment où la compétition stratégique semble se durcir, Philippe Steininger évoque tour à tour les enjeux de la masse, de l’interopérabilité et des nouvelles armes. Si certains développements auraient probablement mérité que l’auteur s’y attarde – sur les drones autonomes ou la connectivité avec les systèmes orbitaux –, on ne peut dans l’ensemble qu’apprécier les qualités pédagogiques de l’auteur. Elles permettent au lecteur d’appréhender la puissance aérienne moderne dans sa globalité, évacuant au passage certains préjugés.
L’intérêt du livre tient autant à la pédagogie de la démonstration qu’à la pertinence des analyses et aux partis pris de l’auteur. Bien qu’il souffre de quelques défauts mineurs (comme l’absence de table des matières) et invite parfois à la polémique, cet ouvrage est une référence incontournable pour celles et ceux qui souhaitent mieux comprendre la stratégie aérienne.
Raphaël Briant
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[1]Voir à ce sujet deux ouvrages majeurs : M. Forget, Puissance aérienne et stratégies, Paris, Economica, 2001 ; R. Chamagne, L’art de la guerre aérienne, Sceaux, Esprit du livre, 2007.
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