Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps 2022 de Politique étrangère (n° 1/2022). Hans Stark, conseiller auprès du Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Konrad H. Jarausch, Embattled Europe: A Progressive Alternative (Princeton University Press, 2021, 344 pages).

Konrad H. Jarausch, né en août 1941 à Magdebourg, en Allemagne, est un historien germano-américain, professeur de civilisation européenne à l’université de Caroline du Nord à Chapel Hill. Ses travaux portent essentiellement sur l’histoire de l’Allemagne – les premiers sur l’ascension de Hitler au pouvoir, les travaux ultérieurs concernant davantage l’Allemagne de l’Est et la réunification allemande. Il vit aux États-Unis et en Allemagne où il a grandi. Cette double culture euro-(ou germano-)américaine explique sans doute sa démarche dans cet ouvrage. Il y propose une présentation d’ensemble non tant de l’Union européenne (UE) mais des 27 pays qui la composent, pour insister plus particulièrement sur le « modèle » européen, qu’il confronte évidemment au modèle américain. Et la comparaison est loin d’être en faveur de ce dernier.

C’est presque à un voyage à travers l’UE que l’auteur nous invite, revenant sur la transition des pays centre-est européens, par le biais de la Hongrie et la Pologne, après 1989, et les enjeux de l’espace Schengen (première partie). La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée aux aléas de la construction européenne et revient sur la crise de la dette souveraine (analysée à travers le cas grec), sur les flux migratoires qui ont touché l’Italie et sur les raisons qui ont poussé les Britanniques à voter en faveur du Brexit. L’adaptation du modèle économique européen aux enjeux de la transition numérique et climatique est au cœur de la troisième partie, qui analyse l’évolution de l’industrie automobile en Allemagne à travers l’exemple de Volkswagen, l’adaptation de l’État-providence suédois aux attentes du pays en matière de formation professionnelle dans les métiers de haute technologie et, enfin, le tournant énergétique danois visant à l’indépendance vis-à-vis des énergies fossiles.

Les enjeux politiques globaux, ainsi que la montée du populisme et de l’illibéralisme (et leur impact sur les relations transatlantiques) sont étudiés dans la quatrième et dernière partie, avec un retour sur la crise russo-ukrainienne de 2014, sur l’affaire des Gilets jaunes en France et, à travers le prisme du Forum de Davos, sur le clivage croissant entre les deux rives de l’Atlantique autour des grandes questions politiques et économiques.

L’auteur juge une telle approche multidimensionnelle nécessaire pour aborder la complexité de « l’unité dans la diversité » qui caractérise, selon lui, la vie contemporaine sur le Vieux continent. L’hétérogénéité entre les 27 qui en résulte n’est donc pas, pour Jarausch, source de faiblesse, mais de résilience et de capacité d’adaptation. Même si l’auteur souligne que les Européens doivent redoubler d’efforts pour se conformer aux normes de leur propre modèle afin de contrer les pressions de l’économie mondialisée.

L’ouvrage est stimulant et s’inscrit en faux contre la sinistrose europhobe véhiculée par les chantres du déclinisme. Il s’adresse toutefois en priorité à un public plutôt éloigné des politiques européennes – comme ses étudiants, sans doute…

Hans Stark

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