Cette recension a été publiée dans le numéro d’été 2022 de Politique étrangère (n° 2/2022). Clément Therme propose une analyse de l’ouvrage de Mohammad-Reza Djalili et Thierry Kellner, L’Iran en 100 questions. Entre durcissement et contestation (Tallandier, 2022, 448 pages).

Le lecteur spécialiste ou l’étudiant découvrant l’histoire, la société, la géopolitique ou la culture iraniennes sera, en refermant cet ouvrage, mieux à même de comprendre les enjeux contemporains d’un pays largement méconnu en Occident.

La profondeur historique proposée par les auteurs est l’un des principaux mérites de cet ouvrage. De l’invention de l’écriture à la révolution islamique de 1979, en passant par le coup d’État de 1953, l’étude des grands événements de l’histoire iranienne apparaît comme une condition sine qua non pour comprendre l’Iran contemporain. Sur la question de la définition des frontières, les auteurs expliquent par exemple que « l’Iran d’aujourd’hui est un vieux pays, entouré de jeunes États tous issus de la décomposition de l’un des trois Empires voisins [russe, ottoman et britannique] ».

Après la mise en perspective historique, deux chapitres consacrés à la société et aux religions permettent de dépasser les clichés sur la République islamique. Les auteurs relèvent l’existence d’une culture LGBT underground en Iran, alors que l’ancien président Ahmadinejad (2005-2013) en niait l’existence. Ils soulignent également la présence d’une communauté bahaïe de 300 000 croyants sur le territoire iranien, en dépit des discriminations persistantes dont ils sont l’objet dans une République islamique qui les considère comme des « hérétiques ».

Les sujets géopolitiques sont abordés à travers l’échec du premier accord sur le nucléaire de juillet 2015, les tensions israélo-iraniennes, le soutien de Téhéran aux mouvements palestiniens ou encore la question de la stratégie maritime de Téhéran autour du détroit d’Ormuz, par lequel transite quotidiennement près de 30 % du trafic pétrolier maritime mondial.

Les questions économiques et environnementales constituent par ailleurs des défis majeurs pour le développement du pays. L’intérêt des auteurs pour le désastre écologique iranien se fait l’écho d’une des préoccupations principales des citoyens face à la pollution de l’air dans les grandes villes, la multiplication des tempêtes de sable ou encore la crise de l’eau. Enfin, un dernier chapitre traite des relations France-Iran depuis la période napoléonienne jusqu’à nos jours. Les parties consacrées aux récits de voyage, à la rencontre entre Charles de Gaulle et l’Iran du Shah soulignent une affinité culturelle entre Iraniens et Français qui perdure jusqu’à nos jours, en dépit de la rupture politique intervenue depuis la révolution de 1979. Les auteurs notent également que c’est Ebrahim Yazdi qui propose à l’ayatollah Khomeiny de séjourner en France au moment de la révolution de 1978-1979. Un épisode qui fait de la France le quartier général de la révolution islamique, et qui s’inscrit alors dans le contexte d’une opinion publique française très influencée par les courants de pensée tiers-mondiste,  anti-impérialiste et anti-américain.

Ce livre restera comme une référence indispensable en langue française sur un pays complexe, dont le repli sur soi depuis plus de quarante ans rend l’approche malaisée. La clarté des auteurs, leur lucidité face à l’histoire de l’Iran, font l’originalité et la force d’un ouvrage qui peut être lu tant par les spécialistes de relations internationales que par les curieux simplement attirés par la civilisation iranienne.

Clément Therme

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