La rédaction a le plaisir de vous offrir à lire cet article du numéro de printemps 2023 de Politique étrangère (n° 1/2023), « Liberté, Union européenne, OTAN : la société ukrainienne a fait son choix », écrit par Olexiy Haran et Petro Burkovskyi.
Le monde a été surpris par la résistance des Ukrainiens face à l’invasion russe du 24 février 2022, alors que l’Occident n’a fourni un soutien militaire substantiel que tardivement. Certaines capitales européennes, et même Washington, avaient pensé que, face à une invasion à grande échelle, l’Ukraine s’effondrerait en à peu près une semaine. Aujourd’hui encore, certaines sources de renseignement occidentales considèrent que ce sont des facteurs « mineurs » – telle l’efficacité de la défense aérienne ukrainienne – qui ont empêché la prise de la base aérienne proche de Kiev, et ainsi interdit la prise de la capitale ukrainienne. Mais comment expliquer qu’à l’heure où ces lignes sont écrites l’armée russe ne contrôle pas un seul centre régional, pas même celui de Kharkiv, majoritairement russophone et situé à 40 kilomètres de la frontière russe ?
Les Ukrainiens n’ont pas été surpris par leur propre capacité de résistance. Les sondages à la veille de l’invasion suggéraient qu’en cas de guerre la moitié des Ukrainiens se battrait ou aiderait l’armée par tous les moyens possibles. Un cinquième des interrogés ne pensait pas que la guerre éclaterait ; un autre cinquième répondant qu’il essaierait simplement de survivre. Ces données étaient publiques, largement diffusées et ont été présentées dans les principales ambassades occidentales à Kiev. Pourtant, la résistance a constitué une surprise pour de nombreuses capitales.
En 2014, de longues files d’attente de volontaires avaient déjà été observées devant les bureaux militaires d’enrôlement. Le même phénomène s’est reproduit à une échelle beaucoup plus importante dans les premiers jours, particulièrement dramatiques, de l’attaque russe sur Kiev. Il n’y avait pas assez d’armes pour tous ceux qui étaient prêts à se battre.
Les réactions de l’opinion ukrainienne face à l’agression russe découlent des orientations prises par l’Ukraine au moment de l’indépendance. Depuis l’effondrement de l’URSS, la société et le système politique ukrainiens ont emprunté une voie de transformation différente de celle adoptée par la Russie. Contrairement à de nombreuses républiques soviétiques, l’Ukraine a acquis son indépendance pacifiquement, sans conflit ethnique interne, grâce à un accord tacite entre l’opposition nationale démocratique et les « nationaux-communistes » au pouvoir. Lors des élections de 1994, l’Ukraine a été le premier pays de la Communauté des États indépendants à élire un président et un Parlement nouveaux. Alors qu’en Russie la Constitution de 1993 portée par Eltsine et établissant un modèle autoritaire était adoptée à l’issue d’une lutte violente contre le Parlement, la Constitution ukrainienne de 1996 résulte d’un compromis entre le président et le Parlement. L’opposition politique était beaucoup plus forte en Ukraine qu’en Russie. Un seul président a pu être réélu (Leonid Koutchma, 1994-2004) et tous les gouvernements ukrainiens ont dû tenir compte des intérêts des différentes régions. Ce système, que les chercheurs occidentaux ont qualifié de « pluralisme par défaut », était ainsi beaucoup plus équilibré que le modèle russe.
Les tentatives d’établissement d’un système autoritaire ont provoqué deux
« Maïdan » – des manifestations populaires de grande ampleur. À l’opposé
de certains stéréotypes occidentaux alimentés par les récits russes, ces révoltes étaient non violentes, les manifestants occupant les rues plusieurs semaines de suite par des températures de -20 °C. La phase violente de l’Euromaïdan a débuté seulement après que le président Ianoukovytch a fait passer des lois visant à créer un régime du même type que celui de Loukachenko au Bélarus. Moscou s’est ensuite servi de la fuite de Ianoukovytch comme prétexte pour une agression planifiée depuis longtemps.
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