Dans six jours paraît le premier numéro 2023 de Politique Étrangère ! En attendant, nous avons le plaisir de vous offrir en avant-première l’article  « Un an de guerre en Ukraine : où en sont les Russes ? », écrit par Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du Centre Russie/NEI de l’IFRI.

Photo de Moscou, couverture de Politique Étrangère 1/2023 au premier plan.

« Nous sommes en guerre et le pays est plongé dans une inconscience totale des événements », juge l’écrivain russe Victor Erofeev dans les mois qui suivent l’invasion de l’Ukraine. En effet, après le premier choc, la majorité des Russes ont continué à vivre comme s’il s’agissait bien d’une « opération militaire spéciale » à portée limitée, à l’instar de l’intervention en Syrie en 2015. La souffrance des Ukrainiens les a laissés largement indifférents, ce qui a fini par provoquer la colère, voire la haine, de la nation envahie à l’égard de l’ensemble des Russes.

La déclaration de mobilisation partielle, fin septembre 2022, a davantage secoué la population russe, parce qu’elle touchait directement les familles des hommes en âge d’être appelés sous les drapeaux. Si cette mobilisation a provoqué la fuite immédiate de centaines de milliers d’hommes à l’étranger, elle n’a pourtant pas non plus marqué un tournant décisif susceptible de déclencher des protestations de masse contre la guerre. Adhésion, peur ou fatalisme, les expressions publiques de mécontentement ont pour l’essentiel dénoncé le caractère chaotique voire arbitraire des mobilisations, ou encore l’absence d’équipement et d’entraînement pour les mobilisés envoyés au front.

La proportion des Russes soutenant l’« opération militaire spéciale » est stable depuis février 2022, variant entre 70 et 80 % selon les sondages – sondages qui doivent cependant être considérés avec précaution, comme dans tout régime autoritaire. Interrogés publiquement ou en privé, nombre de Russes se disent convaincus que la décision initiale de Vladimir Poutine était inévitable, provoquée ou nécessaire. Une partie d’entre eux ne souhaitait pas cette guerre mais, une fois déclenchée, ils estiment qu’ils n’ont d’autre choix que de la remporter pour régler une fois pour toutes le problème de l’Ukraine et de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), et éviter des conséquences néfastes pour leur pays.

En Russie, cette guerre ne se traduit pas non plus par une prise de conscience de la nature du pouvoir, de la dégradation profonde de l’état de droit et des libertés, ou de la lourdeur des conséquences prévisibles pour le futur du pays et son positionnement international. Bien au contraire, elle est parfois vécue comme une libération d’une retenue imposée par les apparences démocratiques et libérales, un retour à une samobytnost (authenticité) russe se définissant précisément dans l’opposition à un Occident jugé décadent, perfide et hypocrite.

La guerre amène donc à s’interroger sur les facteurs qui ont préparé le terrain et font qu’elle ne rencontre pas de résistance notable en interne, sur la manière dont les Russes vivent une épreuve qui s’installe dans la durée et sur les évolutions possibles de cette situation. L’Occident, dépité de constater le soutien à la guerre, est tenté de sanctionner les Russes
collectivement mais il doit aussi penser sa relation avec eux au-delà de Vladimir Poutine.

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