Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps 2023 de Politique étrangère (n° 1/2023). Laurent Bansept propose une analyse de l’ouvrage de Walter Bruyère-Ostells, Le COS. Histoire des forces spéciales françaises (Perrin/ministère des Armées, 2022, 400 pages).

À l’heure où la page des grandes campagnes de contre-terrorisme semble se tourner, l’année 2022 marque les 30 ans de nombre de structures militaires françaises dont la création entre 1992 et 1993 avait symbolisé un changement d’époque. C’est le cas du Commandement des opérations spéciales (COS), dont l’apparition était une des conséquences des enseignements de la guerre du Golfe. Cet anniversaire a donné lieu à de nombreux évènements et publications parmi lesquelles se distingue ce livre.

Les ouvrages sur les forces spéciales se sont surtout intéressés jusqu’ici aux individus et aux opérations. Si cette dimension est essentielle, elle ne saurait expliquer et montrer à elle seule toute la place prise par les opérations spéciales dans la stratégie de la France – et pas seulement dans le domaine du contre-terrorisme.

Offrant au COS l’histoire officielle qui lui manquait, l’auteur retrace la genèse des unités spéciales françaises et leurs caractéristiques, rappelant que leur très forte identité constituait un défi majeur pour le projet d’un commandement opérationnel interarmées. S’appuyant sur des témoignages inédits, il décrit la mise en place du COS sans rien cacher des difficultés qui ont accompagné sa création, notamment sur le plan organique. Il revient ensuite plus en détail sur trente années d’engagements opérationnels, avec le grand mérite de rappeler la place déterminante des forces spéciales dans les conflits contemporains, pour agir là où un large déploiement ou une action visible étaient impossibles, ou pour obtenir des effets précis et maîtrisés.

Chaque étape permet de présenter les développements organisationnels, capacitaires ou sociologiques du COS, avec un bilan très complet et inédit des opérations spéciales françaises. W. Bruyère-Ostells aborde la place grandissante des opérations spéciales dans la gestion des crises. La période qu’il nomme « romantique » est marquée par des raids en Afrique, des actions de renseignement ou la recherche de criminels de guerre en ex-Yougoslavie. Le véritable pivot de l’histoire du COS arrive avec la campagne d’Afghanistan, où les forces spéciales françaises convergent vers la matrice anglo-saxonne tout en conservant leurs spécificités, tant en matière d’organisation que de style. L’auteur aborde enfin l’histoire immédiate et ses perspectives, le récit donnant les clés de compréhension de la place des forces spéciales dans la compétition de puissance, en particulier par les missions qui leur sont dévolues et qui en font un outil indispensable à la France. W. Bruyère-Ostells s’attarde aussi sur des dimensions moins connues des opérations spéciales comme les actions d’« environnement », à la croisée du renseignement et de la stabilisation/reconstruction, ou des aspects plus intimes comme le traitement des pertes en opération.

Le livre est complété d’une riche bibliographie : travaux universitaires, notices présentant les hommes clés de l’histoire du COS, avec un rappel de l’histoire et des caractéristiques des unités spéciales françaises. Grâce à un accès privilégié à de nombreuses sources, incluant des témoignages sur des actions et décisions récentes – ce qui reste rare en raison du caractère structurellement confidentiel des opérations spéciales –, ce livre est une réussite, et contribue à une meilleure compréhension de la réalité des forces et des opérations spéciales françaises.

Laurent Bansept

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