À la suite du sondage réalisé sur ce blog, nous avons le plaisir de vous offrir en libre accès l’article du numéro d’été 2023 de Politique étrangère (n° 2/2023) que vous avez choisi d'(é)lire : « L’Inde dans le jeu des puissances, entre Ukraine et G20 », écrit par Jean-Luc Racine, directeur de recherche émérite au CNRS (Centre d’études sud-asiatiques et himalayennes, École des hautes études en sciences sociales) et chercheur senior à Asia Centre.

Image de fond : fondu d'orange et vert (couleurs du drapeau de l'Inde), logo du G20 en blanc par-dessus. Au premier plan, couverture du numéro 2 de Politique étrangère "Turquie, les ambitions bridées", logos de PE et de l'Ifri.

Narendra Modi, Premier ministre largement reconduit aux législatives de 2019, avait affirmé dans son programme électoral : « Nous croyons que l’heure de l’Inde est venue. Elle émerge comme puissance, et se connecte aux acteurs du monde multipolaire. L’essor de l’Inde est la nouvelle réalité, et nous jouerons un rôle majeur pour façonner l’agenda global du XXIe siècle. » Quatre ans plus tard, alors que les célébrations du 75e anniversaire de l’indépendance sont closes, le discours officiel et nombre de commentateurs indiens s’emballent, voyant dans la présidence indienne du G20 l’opportunité de peser sur l’évolution du système mondial. Pourtant, à l’Organisation des Nations unies (ONU) qu’elle voudrait réformer, l’Inde multiplie les abstentions lors de votes significatifs, sur l’Ukraine mais pas seulement. Cette dichotomie mérite examen. Un examen complexe, le régime déployant en permanence une politique de communication – ou de propagande – qui affiche sur le plan international des valeurs qui ne sont pas toujours mises en pratique en interne.

On portera d’abord attention à la volonté indienne de puissance et au discours qu’elle suscite, avant d’analyser le choix abstentionniste sur l’Ukraine, puis d’aborder le discours parallèle accompagnant la présidence du G20 et ses premiers résultats. On s’interrogera in fine sur le statut de l’Inde sur la scène mondiale : puissance d’équilibre ou puissance en quête d’équilibre ?

Le discours sur la puissance
Dans son introduction au dernier Dialogue Raisina – conférence organisée début mars 2023 à New Delhi, devenue l’un des rendez-vous mondiaux des affaires géopolitiques, stratégiques et géoéconomiques –, le Foreign Secretary indien Vinay Mohan Kwatra, plus haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, soulignait « la confiance en soi, les ambitions et les capacités croissantes de l’Inde » ainsi que sa volonté de « chercher des solutions collectives aux problèmes communs ». Il a cité la phrase sanscrite devenue le leitmotiv du discours diplomatique indien : Vasudhaiva Kutumbakam (le monde est une famille), que complète le slogan de Narendra Modi mis en exergue de la présidence indienne du G20, ouverte le 1er décembre 2022, « Une terre, une famille, un avenir » (sous-entendu : « en commun »).

Les deux thèmes qui structurent cette approche sont le passage annoncé du statut de pays émergent à celui de puissance et ce que l’Inde compte accomplir comme présidente du G20, avec, en toile de fond, la lecture indienne de l’ordre et du désordre d’un monde marqué par le choc de la pandémie du Covid-19, les effets du changement climatique et une polarisation géopolitique croissante, aggravée par le conflit en Ukraine et ses contrecoups économiques de portée globale.

L’Inde émergente est un fait. Est-elle pour autant une nouvelle grande puissance ? En dépassant le cap de 1,429 milliard d’habitants, l’Inde devient en 2023 le pays le plus peuplé du monde, à la suite du vieillissement de la population chinoise. L’âge moyen de la population indienne est de 28 ans, contre 39 ans en Chine, mais ce « dividende démographique » constitue-t-il un atout solide, au vu du marché de l’emploi ? Cinquième puissance économique par son produit intérieur brut (PIB) depuis 2019, l’Inde a dépassé le Royaume-Uni et la France avec un taux de croissance, après le rattrapage post-Covid-19, de l’ordre de 6 % – le plus élevé des principaux acteurs économiques mondiaux.

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