Cette recension a été publiée dans le numéro d’été 2023 de Politique étrangère (n° 2/2023). Camille Brugier propose une analyse de l’ouvrage de Henry Gao et Weihuan Zhou, Between Market Economy and State Capitalism (Cambridge University Press, 2022, 196 pages).
L’Organisation mondiale du commerce (OMC) et les différents accords que la Chine a signés en son sein sont-ils suffisants pour la contraindre à supprimer les plans massifs de subventions qu’elle destine à ses entreprises d’État ? Voici la question à laquelle ce livre cherche à répondre par l’affirmative.
L’administration américaine a indiqué dès 2018 via son ambassadeur à Genève Dennis Shea que, selon elle, l’OMC n’était pas outillée pour contraindre la Chine à faire les changements nécessaires pour devenir une économie de marché.
Les auteurs expliquent que le capitalisme d’État qui existe en Chine pose deux problèmes essentiels pour le système international libéral. Le premier prend la forme de plans de subventions à l’export qui font baisser le prix des produits chinois de manière artificielle sur les marchés extérieurs. Le second est la préférence donnée aux entreprises d’État sur le territoire chinois, empêchant ainsi la libre concurrence et le développement des entreprises étrangères en Chine.
Pour les deux auteurs, Gao et Zhou, le protocole d’accession de la Chine à l’OMC et les règles générales de l’institution permettent de faire face à ces difficultés ; ces règles n’ont tout simplement pas été suffisamment utilisées par les autres États membres de l’organisation internationale. Pour « sauver » l’OMC, il faudrait donc que les États membres de l’institution fassent des recours collectifs contre la Chine devant l’Organe de règlement des différends de l’organisation, en prenant comme base juridique le protocole d’accession signé par la Chine.
Si cet ouvrage propose la plainte à l’OMC ainsi que les négociations bilatérales et multilatérales comme moyens de faire rentrer la Chine dans le « droit chemin du libéralisme », son argumentation n’est pas toujours très convaincante. En effet, si cette solution, accessible aux États membres depuis l’arrivée de la Chine dans l’organisation en 2001, n’a que peu été utilisée au sujet des subventions et des entreprises d’État chinoises, les auteurs n’expliquent pas pourquoi les États n’y ont pas eu recours. En réalité, il faut en moyenne plus de deux ans pour obtenir une première décision, et deux ans de plus si l’État accusé fait appel. Étant donné que la Cour d’appel a été désactivée par les États-Unis en 2018, il serait aisé pour la Chine de faire appel de toute décision qu’elle ne souhaiterait pas voir se concrétiser, et ainsi reporter le jugement la concernant à la nuit des temps. Ce livre, à la fois très fouillé sur le plan juridique (chapitre 5) et très précis sur les réformes successives des entreprises d’État en Chine (chapitre 2), cherche peut-être à convaincre les lecteurs de l’impossible : que sans réforme ni changement substantiel au niveau politique, l’OMC arrivera à faire de la Chine une économie de marché.
Camille Brugier
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