Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps 2025 de Politique étrangère (n° 1/2025). Jean-Pierre Cabestan propose une analyse de l’ouvrage de David H. Shinn et Joshua Eisenman, China’s Relations with Africa: A New Era of Strategic Engagement (Columbia University Press, 2023, 504 pages).

Si vous souhaitez tout savoir sur les relations politiques et de sécurité entre la Chine et l’Afrique (Afrique du Nord comprise), c’est le livre qu’il faut lire. Cet ouvrage fait l’impasse sur les échanges commerciaux ou les projets d’infrastructures chinois, analysés par nombre de publications, pour se concentrer sur des questions souvent négligées : les rapports entre la Chine et les organisations africaines régionales et sous-régionales, les relations de parti à parti entre le Parti communiste chinois et nombre d’organisations politiques africaines, l’appareil de propagande et d’éducation chinois en Afrique, la gestion par Pékin de ses intérêts de sécurité en Afrique, de l’accès aux minerais à la sécurité alimentaire, la protection de ses entreprises et de ses ressortissants, la coopération militaire, la participation chinoise aux opérations de maintien de la paix des Nations unies et à la lutte contre la piraterie notamment dans le golfe d’Aden et le golfe de Guinée…
La Chine entretient des relations diplomatiques avec 53 des 54 pays africains (seul l’Eswatini, fidèle à Taïwan, manque à l’appel). Elle continue de s’appuyer en premier lieu sur les relations bilatérales qu’elle a développées avec ces États pour pousser son agenda et ses initiatives, en particulier en matière de développement – comme les Nouvelles routes de la soie de Xi Jinping – et de sécurité. Mais elle mobilise de nombreux autres instruments pour accroître son influence, en Afrique comme dans le reste du Sud global, dans le but avoué de réduire la présence de ce qu’elle appelle l’« hégémonie occidentale » et ses comportements « post-coloniaux ». Certes, cette influence croissante s’appuie sur une pénétration économique sans précédent. Mais le gouvernement chinois renforce sa position à l’aide de moyens très divers, qui vont du financement de médias africains à la formation de cadres civils et militaires, de la construction d’infrastructures militaires à la multiplication des projets portuaires pouvant potentiellement devenir des facilités duales, de la livraison de technologies de l’information, avec l’aide de sociétés comme Huawei, à la coopération en matière spatiale et de cybersécurité.
Très complet mais synthétique, ce livre a été publié alors que la Chine sortait à peine de la pandémie du Covid-19, une crise sanitaire qui, selon les auteurs, a dans l’ensemble ralenti et affecté de manière négative les relations sino-africaines. Il a parfois les aspects d’un annuaire, livrant des listes de pays et d’organisations sans pouvoir totalement fournir l’information nécessaire à l’appréciation de la diversité des situations. Par ailleurs, on aurait aimé y trouver plus d’éléments de comparaison avec les autres présences extérieures, non seulement des anciennes puissances coloniales ou des États-Unis mais des émergents, comme l’Inde, la Turquie ou le Brésil. Néanmoins, cet ouvrage fait œuvre utile. Il montre très bien comment la Chine non seulement est bienvenue en Afrique, développant une réelle convergence de vues avec la plupart des États du continent sur de nombreuses questions, mais aussi a mis en place une nouvelle forme d’hégémonie sur un continent dont elle contribue à forger l’avenir, avenir auquel elle croit profondément, et à juste titre.
Jean-Pierre Cabestan
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