Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps 2025 de Politique étrangère (n° 1/2025). Anthony Guyon propose une analyse de l’ouvrage de Steven A. Cook, The End of Ambition: America’s Past, Present and Future in the Middle East (Oxford University Press, 2024, 208 pages).

Dans un essai court mais stimulant, Steven A. Cook analyse la politique conduite par les États-Unis au Moyen-Orient depuis la Seconde Guerre mondiale. Rédigé pour l’essentiel avant les attaques terroristes du 7 octobre 2023, l’ouvrage n’en délimite pas moins des clés de lecture toujours effectives et s’avère sans concession avec les lignes directrices de la diplomatie américaine, à l’image de l’invasion de l’Irak – « erreur calamiteuse » – ou des errances de l’administration Clinton.

La guerre froide apparaît dans l’ensemble comme une période réussie : les États-Unis parviennent à sécuriser leurs intérêts au Moyen-Orient, consolidant leur relation avec l’Arabie Saoudite. Le pacte du Quincy de 1945 permet la sauvegarde des intérêts américains sans impliquer de présence militaire. Pour autant, la relation Washington-Riyad n’a pas été linéaire. À plusieurs reprises le dilemme est posé : soutien à l’Iran ou à l’Arabie Saoudite jusqu’à la révolution de 1979, ou encore en 1973 quand l’administration Nixon comprend que le soutien envers Israël dans la guerre du Kippour s’accompagne d’une dégradation de ses liens avec Riyad.

L’effondrement du bloc soviétique soulève de nouveaux espoirs mais, galvanisés par ce qu’ils interprètent comme une victoire, les États-Unis surestiment leur puissance. Jusqu’alors, Washington n’avait aucun scrupule à soutenir des régimes autoritaires. Désormais, la paix doit s’accompagner de la démocratie. C’est l’une des raisons pour lesquelles Bill Clinton se place au cœur des négociations entre Israéliens et Palestiniens, voyant là une étape indispensable vers la paix à l’échelle du Moyen-Orient. C’est aussi tout le sens de l’Iraq Liberation Act de 1998, promulgué par le président démocrate et adopté à l’unanimité par le Sénat – dont Bernie Sanders, comme se plaît à le rappeler Steven A. Cook. Ce texte acte la doctrine du Regime Change et permet aux États-Unis de soutenir les mouvements démocratiques en Irak. La continuité l’emporte donc sur la rupture entre les administrations Clinton et Bush.

Le 11 septembre 2001 conforte l’idée de la démocratie comme antidote au terrorisme. Une décennie plus tard, les printemps arabes semblent le confirmer en Tunisie et en Égypte, même si Washington n’est pas à l’origine des évènements populaires de Tunisie. Steven A. Cook invite aussi à s’interroger sur le fait de savoir si les manifestants réclamaient la démocratie ou le renversement de deux régimes autoritaires. Il souligne également l’hypocrisie de Washington, qui s’érige en parangon de vertu vis-à-vis des dictateurs arabes mais soutient la politique répressive de certains dirigeants israéliens.

L’un des intérêts du livre est constitué de ces allers et retours entre passé, présent et futur. À propos des derniers mandats présidentiels, Steven A. Cook souligne que, lorsque Donald Trump quitte la Maison-Blanche en 2021, jamais le nombre de problèmes n’a été aussi important : enchaînement de crises en Irak, retour de l’autoritarisme, absence de toute avancée sur la question palestinienne et maintien de l’extrémisme au Moyen-Orient. Pour lui, les erreurs répétées de Washington ont créé les conditions favorables au renforcement des puissances chinoise et russe dans la région. Il faut désormais consolider les partenariats avec des puissances pouvant permettre la stabilité du Moyen-Orient. Au premier rang, une fois de plus : l’Arabie Saoudite.

Anthony Guyon

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