Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps 2023 de Politique étrangère (n° 1/2023). Frédéric Charillon propose une analyse croisée de l’ouvrage de Bertrand Badie, Vivre deux cultures : Comment peut-on naître franco-persan ? (Odile Jacob, 2022, 224 pages) et du livre Enfant de Bohême de Gilles Kepel (Gallimard, 2022, 400 pages).
En 1989, Bertrand Badie et Gilles Kepel dispensaient ensemble un enseignement à l’Institut d’études politiques de Paris, alors bien différent de ce qu’est Sciences Po aujourd’hui. Le cours était intitulé « Religion et politique » et s’adressait aux étudiants d’un programme de science politique approfondie, destiné à celles et ceux que la recherche universitaire intéressait. On y trouvait cette année-là, outre l’auteur de cette présente note, Bernard Rougier (Le Jihad au quotidien, Les territoires conquis de l’islamisme…), Johanna Siméant (Entrer en guerre au Mali, Guide de l’enquête globale en sciences sociales…), Philippe Riutort (Sociologie de la communication politique, Nouveau Manuel de science politique…), Xavier Bougarel (Les musulmans de l’Europe du Sud-Est, La division Handschar. Waffen-SS de Bosnie, 1943-1945…), ou Gaëlle Jullien, qui suit de près les sciences sociales depuis le monde de l’édition.
Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps 2023 de Politique étrangère (n° 1/2023). Laurent Bansept propose une analyse de l’ouvrage de Walter Bruyère-Ostells, Le COS. Histoire des forces spéciales françaises (Perrin/ministère des Armées, 2022, 400 pages).
À l’heure où la page des grandes campagnes de contre-terrorisme semble se tourner, l’année 2022 marque les 30 ans de nombre de structures militaires françaises dont la création entre 1992 et 1993 avait symbolisé un changement d’époque. C’est le cas du Commandement des opérations spéciales (COS), dont l’apparition était une des conséquences des enseignements de la guerre du Golfe. Cet anniversaire a donné lieu à de nombreux évènements et publications parmi lesquelles se distingue ce livre.
Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps 2023 de Politique étrangère (n° 1/2023). Claude-France Arnould propose une analyse de l’ouvrage de Sylvie Bermann, Madame l’Ambassadeur. De Pékin à Moscou, une vie de diplomate (Tallandier, 2022, 352 pages).
Sylvie Bermann évoque les « sept vies d’un chat » qu’elle a vécues, moins pour nous parler d’elle que pour nous faire comprendre les pays où l’ont menée ses affectations comme diplomate. Le regard qu’elle partage avec nous sur son parcours, exceptionnel par la pertinence des éclairages qu’il croise, nous donne des clés essentielles pour appréhender le monde auquel nous faisons face aujourd’hui. Ses « transhumances », pour reprendre ses mots, lui ont donné à « voir le monde changer » en représentant la France auprès des pays « qui ont été les acteurs de ce basculement à des périodes charnières » : la Chine, passée de la Révolution culturelle aux réformes de Deng Xiaoping, désormais deuxième puissance mondiale sous Xi Jinping ; la Russie, de la Glasnost à celle de Vladimir Poutine ; New York, siège des Nations unies – à leur acmé après la fin de la guerre froide, moment du « grand rêve bleu » comme le drapeau onusien, bientôt décrédibilisées après les drames en Somalie, au Rwanda et dans les Balkans, avant d’être paralysées de nouveau aujourd’hui – mais aussi cœur de la superpuissance américaine, gendarme du monde, des années Clinton ; Bruxelles, où la politique étrangère de sécurité et de défense faisait ses premiers pas prometteurs ; Londres lors du « séisme » du Brexit. À cette expérience itinérante s’ajoute celle des responsabilités au ministère des Affaires étrangères à Paris : ce Quai d’Orsay qui a fait d’elle la première femme « ambassadeur de France », au sens statutaire de « dignité », ce qui, à l’issue d’un parcours comme le sien, n’était qu’une évidence.
Dans tous ses postes elle fut ce que doit être un diplomate : un professionnel de la négociation, telle celle des accords de Paris sur le Cambodge ; un décrypteur pour ses autorités ; l’incarnation de la France dans son pays de résidence. Elle démontre, mieux que n’importe quel argumentaire, en quoi la diplomatie est un métier, en même temps qu’une vocation. Toutes ses analyses sont nourries par l’observation, les échanges, l’étude et la réflexion, s’appuient sur l’histoire (et même, discrètement, sa propre histoire d’étudiante en Chine mais aussi de descendante d’une grand-mère russe), la culture et surtout l’empathie – distincte de la complaisance, que l’on nomme souvent le syndrome de Stockholm. Sa curiosité est insatiable et l’a menée, à rebours de l’« entre-soi » diplomatique, partout où elle pouvait aller, pour mieux sentir et comprendre, d’autant qu’elle parle la langue des pays où elle a exercé ses fonctions. Elle l’a fait avec bonheur, ce qui illumine son texte, sensible autant qu’intelligent et souvent poétique.
Sylvie Bermann ressent l’émotion, mais ose aussi, face aux tragédies et notamment l’agression de Vladimir Poutine en Ukraine, la rationalité. S’attacher à comprendre ce qui a mené au drame n’est pas excuser ou justifier. C’est chercher les clés pour agir aujourd’hui et demain. Un lendemain où l’on ne rayera pas la Russie de la carte, ni la Chine. Où l’on ne pourra pas s’appuyer sur un système des Nations unies inchangé, face au retour des grands rêves impériaux. Où l’Occident, qui a perdu attractivité et légitimité, ne peut plus prétendre incarner « la communauté internationale – ou pire, le monde civilisé ».
Son épilogue – « le retour de la guerre » – n’est certes pas optimiste, mais il rappelle le principe de réalité et la nécessité de « penser l’impensable, anticiper et planifier, mais aussi se préparer à voir arriver de nouveaux cygnes noirs ». L’auteur lui apporte une contribution précieuse.
Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver 2022 de Politique étrangère (n° 4/2022).Denis Bauchard propose une analyse de l’ouvrage d’Élie Barnavi, Confessions d’un bon à rien (Grasset, 2022, 512 pages).
Par-delà un titre qui témoigne du sens de l’autodérision de l’auteur, ce livre permet de mieux comprendre, à travers le parcours d’Élie Barnavi, l’évolution de la société et de la politique israéliennes, de même que la relation souvent difficile avec la France, sa « seconde patrie affective et intellectuelle ».
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