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Daech, une guerre aussi économique que financière

Laurent Marchand, éditorialiste pour Ouest France, consacre sa chronique « Tout un monde »  à l’article écrit par Myriam Benraad dans le nouveau numéro de Politique étrangère, « Défaire Daech : une guerre tant financière que militaire ».

Ouest FranceComme une masse liquide injectée dans le grand Proche Orient, les territoires conquis par le groupe État islamique fluctuent sur les cartes du renseignement international. Ce que ces cartes ne montrent pas c’est l’assise économique et financière qui explique la fulgurante montée en puissance de Daech et sa force de frappe. L’organisation pèserait environ 2 milliards de dollars. Dans le numéro d’été de Politique étrangère, la revue de l’Institut international des relations internationales, Myriam Benraad, chercheuse au CERI-Sciences-Po, se penche sur « les rouages économiques et financiers » et la précarité socio-économique qui régnait en Irak qui ont permis à Daech, « dès son émergence sur la scène irakienne à l’automne 2006, de conquérir un vaste territoire ». Elle décrit la mise en place de réseaux de contrebande qui « préexistaient au renversement même de Saddam Hussein ». Elle énumère les différentes sources d’enrichissement de l’organisation : trafics d’armes, de biens, d’œuvre d’art, exploitation du gaz et du pétrole, « méthodes de levée et de transfert de fonds extrêmement sophistiquées », attaques contre des dizaines de banques, racket, rançons, commerce avec les agents d’Assad… 

Il n’y a pas de « Question d’Orient » : Trois questions à Georges Corm

Georges Corm, professeur à l’Institut des sciences politiques de l’université Saint-Joseph à Beyrouth et auteur de l’article « La Première Guerre mondiale et la balkanisation du Moyen-Orient » paru dans le numéro de printemps 2014 de Politique étrangère, a accepté de répondre à trois questions en exclusivité pour politique-etrangere.com.

Sykes-Picot1) Dans votre article, vous critiquez la manière dont la France et le Royaume-Uni ont géré l’effondrement de l’Empire ottoman. Quelles ont été les principales erreurs commises ?

La critique est la moindre des choses lorsque l’on voit le gâchis humain, en termes de génocides et de déplacements forcés de population, qui a résulté de la liquidation de l’empire ottoman. Celle-ci a été planifiée par les deux puissances victorieuses de la guerre de 1914-1918 et inscrite dans le traité de Sèvres de 1920, qui n’a jamais pu être appliqué. Ce traité irréaliste prévoyait la fragmentation du territoire anatolien, centre historique de l’empire, en différentes entités non turques (arméniennes, kurdes, assyrienne, grecque et italienne). La réaction militaire foudroyante de Kemal Atatürk a fait échouer ce projet que les armées française et anglaise, épuisées, n’avaient pas les moyens de concrétiser par la force. Il eût été bien plus sage de préconiser et d’aider à mettre en place en Anatolie une fédération ou un autre régime politique accommodant la très grande diversité de peuplement de l’Anatolie de l’époque – des peuples qui avaient par ailleurs fort bien vécu ensemble durant des siècles.

Histoire secrète de la crise irakienne. La France, les États-Unis et l’Irak, 1991-2003

IrakCette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2014). Denis Bauchard propose une analyse de l’ouvrage de Fréderic Bozo, Histoire secrète de la crise irakienne. La France, Les États-Unis Et l’Irak, 1991-2003, (Paris, Perrin, 2013, 416 pages.)

Cet ouvrage présente une analyse fouillée de l’affrontement entre la France et les États-Unis sur la crise irakienne, jusqu’au paroxysme du discours de Dominique de Villepin au Conseil de sécurité des Nations unies, qui donna lieu à un French bashing largement manipulé par l’administration Bush.

D’emblée, l’auteur indique essayer de répondre aux multiples interrogations sur les causes d’une intervention des États-Unis en Irak qui conduira à un des plus grands fiascos de la politique étrangère américaine de l’après-guerre, « une erreur – ou une faute – stratégique aux proportions monumentales » pour reprendre ses termes.

Très vite après le 11 septembre apparaît l’idée d’une attaque contre l’Irak, alors qu’aucun élément sérieux n’existe sur l’implication de Saddam Hussein dans cette tragédie. L’influence des néoconservateurs, notamment de Paul Wolfowitz, qui pousse le président dans cette voie dès 2001, a joué un rôle décisif. La stratégie définie par l’administration Bush de « guerre contre le terrorisme » établit un lien entre l’acquisition d’armes de destruction massive et le terrorisme, conduisant à une véritable manipulation des faits. Le climat émotionnel qui suit le 11 septembre explique qu’une intervention en Irak apparaisse très vite comme inéluctable : « la culpabilité, la colère, la peur » animent les décideurs américains et l’opinion américaine craint un nouvel attentat d’envergure.

Saddam Hussein’s Ba’th Party; Inside an Authoritarian Regime

Saddam HusseinThomas Pierret propose une analyse de l’ouvrage de Joseph Sassoon, Saddam Hussein’s Ba’th Party. Inside an Authoritarian Regime (Cambridge University Press, 2012, 336 pages).

La plupart des chercheurs ayant travaillé sur les régimes autoritaires du Moyen-Orient contemporain ont été confrontés à l’impossibilité de consulter les archives officielles, et cela en dépit de l’expiration des délais légaux de communicabilité. L’ouvrage de Joseph Sassoon sur le régime de Saddam Hussein constitue une exception remarquable à cette règle dans la mesure où l’auteur a pu accéder aux millions de documents capturés par les troupes américaines lors de l’occupation de Bagdad en 2003. Ce fonds se compose non seulement de documents écrits mais aussi d’enregistrements sonores de réunions présidées par Saddam Hussein lui-même. Sassoon offre ainsi une plongée au cœur de l’ancien pouvoir irakien, détaillant les structures et activités du parti Baas, des services de sécurité, de l’armée, et de la bureaucratie.

Structuré par son matériau documentaire plus que par une problématique spécifique, l’ouvrage est relativement descriptif. En outre, Sassoon se montre peut-être insuffisamment ambitieux en termes d’analyse comparative puisqu’il tend généralement à souligner la conformité de son étude de cas avec les analyses existantes des systèmes autoritaires et totalitaires, plutôt que de mettre l’accent sur les points où son matériau s’écarterait de ces analyses. L’auteur propose néanmoins une révision critique de certaines idées reçues sur le régime baasiste irakien. Là où ses prédécesseurs se concentraient sur la dimension répressive du régime, Sassoon met en exergue le déploiement, en parallèle, d’un vaste système de récompenses des éléments obéissants. Par ailleurs, les actes quotidiens de résistance à l’autoritarisme, méthodiquement recensés par les agences répressives, acquièrent ici une visibilité largement occultée par l’image de toute-puissance véhiculée par l’ancien régime et partiellement relayée par les travaux antérieurs. Sassoon récuse également l’idée d’un affaiblissement du parti Baas après la dévastatrice guerre du Koweït en 1991, soulignant notamment l’accroissement du nombre de ses membres jusqu’en 2003.

Plus contre-intuitive encore est la relativisation par l’auteur de la nature confessionnelle (sunnite) du régime, à laquelle Sassoon oppose la cooptation d’un nombre important de chiites et la profonde méfiance des autorités à l’endroit de toute manifestation de religiosité, qu’elle soit chiite ou sunnite. Sans que cela constitue réellement une surprise, Sassoon illustre ainsi avec une clarté inédite le caractère profondément opportuniste de la « Campagne de Foi » lancée en 1993 par un Saddam Hussein dont les convictions personnelles demeurèrent fondamentalement laïques jusqu’à la fin. Toujours dans le registre religieux et confessionnel, Sassoon note aussi l’absence, dans les documents étudiés, de référence à l’identité confessionnelle des individus, l’accent étant plutôt mis sur l’origine étrangère (en particulier iranienne) des éléments jugés peu fiables. L’auteur en conclut que pour l’ancien régime irakien, l’affiliation confessionnelle n’importait pas tant que la loyauté.

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