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Twitter et les gaz lacrymogènes

Cette recension a été publiée dans le numéro d’été de Politique étrangère (n° 2/2020). Julien Nocetti propose une analyse de l’ouvrage de Zeynep Tufekci, Twitter et les gaz lacrymogènes. Forces et fragilités de la contestation connectée (C&F Editions, 2019, 432 pages).

Voici près de dix ans, les soulèvements du monde arabe suscitaient les louanges des observateurs sur les « révolutions Facebook », qui dressaient un parallèle entre révolte technologique et émancipation politique. Cet excès de technophilie avait été suivi d’un reflux, s’appuyant notamment sur les analyses d’Evgeny Morozov dans The Net Delusion: The Dark Side of Internet Freedom (PublicAffairs, 2012). Au fur et à mesure que les régimes autoritaires recouraient aux outils numériques à des fins de surveillance et de répression, l’approche pessimiste devait l’emporter, reléguant à l’arrière-plan les travaux faisant le lien entre les mobilisations et internet.

Conférence SMC/Ifri : vidéo !

La vidéo de la conférence du 18 septembre 2012, intitulée « Politique du web et web politique : les médias sociaux font-ils la loi ? » et organisée à La Cantine est en ligne ! Cet événement a eu lieu à l’occasion de la sortie de Politique étrangère 2/2012 et de son dossier « Internet, outil de puissance ».

Politique du Web et Web politique : les médias sociaux font-ils la loi ?

INSCRIPTIONS CLOSES !

À l’occasion de la parution de Politique étrangère 2/2012, intitulé “Internet, outil de puissance”, le Social Media Club et l’Ifri vous proposent une conférence sur les enjeux politiques et économiques de la gouvernance d’Internet, le 18 septembre à la Cantine. Chercheurs et acteurs du Web français débattront sur les opportunités ou difficultés rencontrées sur les marchés étrangers.

Cette conférence se tiendra le 18 septembre à 19h à la Cantine (Paris 2e). Organisé en partenariat avec l’Ifri et soutenu par Silicon Sentier, l’événement est gratuit.
La conférence sera livetweetée sur le compte @IFRI_

S’INSCRIRE

Invités :

  • Séverine Arsène (@severinearsene), docteur en science politique de l’IEP de Paris, auteur d’Internet et politique en Chine (Karthala, 2011)
  • Gilles Babinet (@babgi), “Digital Champion” de la France auprès de la commissaire européenne chargée de la Société de l’information
  • Olivier Fecherolle (@OlivierFech), directeur stratégie et développement de Viadeo
  • Mounir Mahjoubi, directeur New Business Digital chez BETC
  • Natalie Rastoin, Directrice Générale d’Ogilvy France
  • Julien Nocetti (@JulienNocetti), chercheur associé à l’Ifri, coordinateur du dossier « Internet, outil de puissance » (Politique étrangère, été 2012)

Introduction et animation de la conférence par Alban Martin (@albanmartin), vice-président du Social Media Club France.

Informations : Aude Jeanson (01 40 61 60 25 / jeanson@ifri.org)

Batailles territoriales hier, luttes d’influence sur le Web aujourd’hui : le numérique a modifié les rapports de force internationaux mais aussi intérieurs. L’environnement numérique (canaux et standards techniques aussi bien que langage et culture) fait l’objet de négociations entre sociétés civiles, États et plus récemment acteurs privés. Google et Facebook les premiers reconfigurent les schémas classiques de la circulation de l’information : saupoudrés au fil des sites internet, les modules Facebook Connect américanisent par exemple les sets de données échangés sur les plates-formes du monde entier.

Pour Julien Nocetti, chercheur associé à l’Ifri, « savoir si [ces acteurs privés] pourront défier la souveraineté des États sans s’exposer à de puissantes ripostes sera l’une des questions clés des années à venir ». En effet, la censure chinoise constitue « un dilemme pour les entreprises étrangères. Elle les oblige à choisir entre le risque de voir leurs sites bloqués ou ralentis depuis la Chine et celui d’accéder au marché chinois en respectant la législation locale, donc en pratiquant un certain niveau de censure et de coopération avec les autorités », indique Séverine Arsène, docteur en science politique.

Dans ce contexte, le Web peut-il altérer les modes d’organisation sociale et politique des États ? Dans quelle mesure la Russie et la Chine se servent-ils d’Internet pour contrôler leur population et renforcer leur place sur la scène internationale ? Pourquoi seuls les internautes russes et chinois font-ils exception à l’adoption massive de Facebook ? Renren et Vkontakte résisteront-ils encore longtemps aux investisseurs étrangers ?

Lorsqu’un État soutient les fleurons de son industrie digitale, doit-on y voir une volonté de s’étendre à l’international ou une stratégie de nationalisation de son espace numérique ?

Quelle est la marge de manœuvre des acteurs du Web social, dont les services et les modèles économiques reposent sur l’adoption massive par les populations, populations que les états, autoritaires comme démocratiques, tendent à vouloir contrôler ?

Finalement, quelle grille de lecture peut-on proposer pour saisir les stratégies des acteurs dans cette lutte pour la gouvernance du Web, aussi bien à l’échelle nationale que mondiale ?

Révolution 2.0

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2012), dont le premier dossier est consacré à « Internet, outil de puissance ». Marc Hecker, chercheur au Centre des études de sécurité de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Wael Ghonim, Révolution 2.0 (Paris, Steinkis, 2012, 384 pages).

Révolution 2.0 devrait contribuer à mettre un terme aux controverses sur le rôle des médias sociaux lors des soulèvements arabes en montrant que, comme souvent, la vérité se trouve dans la nuance. Wael Ghonim est un spécialiste d’Internet : dans sa jeunesse, il a créé l’un des premiers portails Web dédié à l’islam avant de faire des études d’informatique, puis de se faire embaucher par Google. Sa vie bascule en juin 2010 lorsqu’il découvre sur le Web le visage ensanglanté de Khaled Saïd, un jeune homme battu à mort par deux policiers.
Les violations des Droits de l’homme sont monnaie courante dans l’Égypte de Hosni Moubarak et les affaires de ce type sont généralement étouffées. Wael Ghonim décide de faire bouger les choses et de créer anonymement une page sur Facebook en hommage à Khaled Saïd.
Les internautes affluent rapidement : en une heure, ils sont déjà 3 000 à avoir rejoint la page « Kullena Khaled Saïd ». C’est sur cette page que sont lancés les premiers appels à manifester pour demander justice pour Khaled Saïd. Plusieurs protestations silencieuses sont ainsi organisées dans différentes villes d’Égypte. Face à l’ampleur de la contestation, le régime finit par lâcher du lest : les deux policiers responsables du meurtre sont arrêtés.
L’éviction du président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali amène Wael Ghonim à penser que les dictateurs ne sont pas indétrônables et le pousse à intensifier son militantisme en ligne. Au début de l’année 2011, la page « Kullena Khaled Saïd » compte 300 000 membres. Un appel à manifester pour le 25 janvier – date à laquelle est célébrée la journée de la police – y est lancé. Les principaux Web activists comprennent que le passage du virtuel au réel n’est pas chose aisée et que l’organisation d’une manifestation de masse ne peut reposer seulement sur Facebook. Ils prennent alors contact avec l’opposition politique organisée, avec les clubs de supporters des principales équipes de football et avec des imams, pour toucher un public qui n’utilise pas Internet. La tactique s’avère payante : la manifestation du 25 janvier est un succès et marque le vrai début de la révolution égyptienne.
Les autorités réalisent tardivement l’importance des réseaux sociaux et tentent de bloquer l’accès à Internet. Elles organisent aussi des contre-manifestations. Rien n’y fait : les opposants au régime tiennent bon et continuent d’exiger la démission de H. Moubarak. Wael Ghonim, de son côté, ne participe pas aux manifestations : le 27 janvier, il est arrêté par la police, soupçonné de travailler pour une « puissance étrangère » et accusé de trahison. Il ne sort de sa cellule que 11 jours plus tard, alors que le régime vacille. Pendant sa détention, sa qualité d’administrateur de la page « Kullena Khaled Saïd » a été révélée au public, si bien qu’il est accueilli comme un héros sur la place Al-Tahrir. Il est invité à s’entretenir avec le nouveau ministre de l’Intérieur de H. Moubarak, puis avec le Premier ministre. Il refuse de transiger : le départ du raïs n’est pas négociable. Quelques heures plus tard, le président égyptien annonce sa démission. La révolution 2.0 a eu raison du « pharaon ».

Marc Hecker

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