Étiquette : organisations internationales

Nations désunies ?

Cette recension a été publiée dans le numéro d’été 2022 de Politique étrangère (n° 2/2022). Frédéric Ramel propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Julian Fernandez et Jean-Vincent Holeindre, Nations désunies ? La crise du multilatéralisme dans les relations internationales (CNRS Éditions, 2022, 368 pages).

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L’atmosphère était lourde, l’avenir morose. Les critiques du multilatéralisme semblent, avec la guerre en Ukraine, donner le coup de grâce : les organisations internationales ne seraient plus essentielles, sources de « fausses promesses ». L’ouverture de Bertrand Badie et la conclusion de Serge Sur dessinent deux chemins distincts : le premier se veut large et robuste, source d’un multilatéralisme adapté aux défis actuels ; le deuxième, plus escarpé et fin, se restreint à empêcher les sirènes unilatéralistes.

The Future of Multilateralism

Cette recension a été publiée dans le numéro de printemps 2022 de Politique étrangère (n° 1/2022). Franck Petiteville propose une analyse de l’ouvrage dirigé par Madeleine O. Hosli, Taylor Garrett, Sonja Niedecken et Nicolas Verbeek, The Future of Multilateralism: Global Cooperation and International Organizations (Rowman and Littlefield, 2021, 272 pages).

Cet ouvrage collectif entend, en quatorze chapitres, décliner les crises et évolutions, en cours et à venir, du multilatéralisme. Sa première partie est centrée sur les organisations internationales, la deuxième sur les organisations régionales, la troisième sur quelques régimes internationaux (aide au développement, climat, fiscalité internationale).

Médecins sans frontières

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (1/2012). Thierry Tardy propose une analyse de l’ouvrage de Claire Magone, Michaël Neuman et Fabrice Weissman (dir.), Agir à tout prix ? Négociations humanitaires : l’expérience de Médecins sans frontières (Paris, La Découverte, 2011, 344 pages).

Les débats actuels sur l’action humanitaire semblent converger sur le constat d’un « espace humanitaire » de plus en plus réduit. Les besoins humanitaires restent importants et le volume global de l’aide est même en expansion mais l’assistance humanitaire, victime de son rapprochement conceptuel et opérationnel avec l’action des forces armées, est en butte à des difficultés croissantes d’acceptabilité par les acteurs locaux et donc d’efficacité dans sa mise en œuvre.
Sans remettre directement en cause ce constat, cet ouvrage porte sur « la conquête et la défense » par les organisations humanitaires de leur « espace de travail », lequel est présenté comme le « produit d’un processus de transaction permanent avec les forces politiques et militaires locales et internationales ». Loin d’être garanti – ou non – par des acteurs tiers, l’espace humanitaire est le fruit d’une négociation mettant en jeu les intérêts communs et divergents des acteurs en présence.
Se pose donc la question de la nature des compromis obtenus et de leur caractère acceptable pour l’organisation humanitaire. Sur le terrain s’ensuit une série de dilemmes inhérents à toute négociation et susceptibles de remettre en cause les principes fondamentaux de l’action humanitaire. Si « tout est négociable », comme le souligne un des auteurs à propos de la Somalie, la difficulté réside dans la capacité à remplir la mission première d’assistance sans franchir la ligne rouge de la compromission.
Du Sri Lanka au Nigeria en passant par l’Éthiopie, l’Afghanistan et Gaza, 12 études de cas illustrent cette problématique de la conquête d’un espace de travail et de l’ambiguïté des compromis qui en découlent. Le mythe de l’indépendance de Médecins sans frontières (MSF) en ressort largement écorné. Ainsi, alors que l’intervention dans le débat public constitue l’une de ses raisons d’être, le « renoncement le plus fréquent auquel MSF consent est celui de sa liberté de parole ».
Au Sri Lanka, MSF finit par « accepter les diktats du gouvernement » et devient un « rouage du dispositif militaro-humanitaire dans l’espoir d’en atténuer la brutalité » ; au Yémen, l’organisation fait profil bas pour finalement nourrir la « propagande du gouvernement en niant les difficultés d’accès aux soins» de la population ; en Somalie, MSF a « peur des Shabaabs» et privilégie une communication publique « uniquement factuelle ». La gestion de ces dilemmes passe par l’attachement à quelques principes clés : il s’agit de savoir « à quelle politique l’association participe» et de veiller en toutes circonstances à ce que « l’aide aux victimes ne se transforme pas en soutien aux bourreaux ». En d’autres termes, « il s’agit moins pour MSF de conquérir une totale liberté d’action que d’être en mesure de choisir ses alliances… ».
L’ouvrage paraît à l’occasion du 40e anniversaire de la création de MSF. Sa grande vertu réside dans une analyse détaillée et sans concession des dilemmes permanents auxquels l’organisation est confrontée. Surtout, le travail révèle une très louable capacité d’autocritique des auteurs, tous représentants de MSF. Puissent d’autres acteurs, États ou organisations internationales impliqués dans le vaste champ des interventions multidimensionnelles, faire preuve de la même objectivité et capacité d’introspection.
Dans ce contexte, il est dommage que les essais de la deuxième partie soient aussi peu connectés à la problématique générale – l’analyse de Rony Brauman sur les dilemmes de la négociation humanitaire aurait été particulièrement appréciée. Enfin, on pourra regretter que presque rien n’indique dans le livre que la quête d’indépendance et les compromis auxquels MSF consent aient eu des effets bénéfiques tangibles sur le but ultime de son action : l’assistance aux populations en danger.

Thierry Tardy

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