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How Statesmen Think: The Psychology of International Politics

Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne de Politique étrangère (n°3/2017). Jérôme Marchand propose une analyse de l’ouvrage de Robert Jervis, How Statesmen Think: The Psychology of International Politics (Princeton University Press, 2017, 304 pages).

Robert Jervis, auteur du magistral Perception and Misperception in International Politics (Princeton University Press, 1976), nous ­propose un recueil de textes publiés entre 1982 et 2010 dans des revues scientifiques ou des ouvrages collectifs. Certaines contributions ont été actuali­sées. C’est le cas notamment de celle traitant de la théorie des ­dominos (chapitre 11), qui s’est délestée de passages consacrés aux postures USA-URSS du temps de la guerre froide. L’auteur n’a pas pour autant procédé à un grand travail de réécriture, ce dont on lui saura gré.

Web et politique: Paris 2014 et la science électorale américaine

Clémence Pène a écrit un article intitulé La nouvelle science électorale américaine, paru dans le n°2/2013 de Politique étrangère. Depuis l’écriture de cet article, cette chercheuse spécialisée dans le lien entre Internet et politique est devenue responsable de la campagne web d’Anne Hidalgo pour les élections municipales de 2014. Elle répond à trois questions, en exclusivité pour politique-etrangere.com.

PE_2_2013_couvQuelles méthodes de la campagne web de Barack Obama utilisez-vous dans la campagne web d’Anne Hidalgo?

Depuis 2008, la confrontation des campagnes françaises et américaines est un marronnier des médias. Si la comparaison n’est pas toujours appropriée, dans le cas de la campagne web d’Anne Hidalgo, deux importations des techniques de la campagne Obama sont complètement assumées : l’utilisation des outils de gestion de bases de données de l’agence américaine Blue State Digital d’une part, et le développement de l’outil 50+1 pour le porte-à-porte d’autre part. Cela se manifeste en ligne par le recueil actif d’adresses électroniques, la qualification des bases de données par type d’engagement et par quartier sur Blue State Digital qui permet à la campagne une gestion ciblée des mailings. Le porte-à-porte, souvent assimilé aux campagnes américaines, est en réalité une pratique historique du parti socialiste. Dans son utilisation contemporaine, il a été testé en 2010 pendant les régionales en Île-de-France et largement adopté en 2012 avec 5 millions de portes frappées. Le logiciel de ciblage des portes à frapper “50+1” est développé par une agence française. Il ne s’agit donc plus à proprement parler en 2014 d’une “technique Obama”. Pourtant, la “scientifisation” des méthodes de mobilisation web participe d’une dynamique de rationalisation des campagnes électorales qui doit aux précédents américains en matière d’analytics : la campagne Hidalgo porte une grande attention au reporting des opérations terrain et aux rapports de performances web.

Y a-t-il des pratiques américaines qui ne pourraient pas être importées en France, soit pour des raisons culturelles, soit pour des raisons juridiques?

Malgré de nombreuses similarités dans les objectifs et les techniques, les deux campagnes web se déroulent à des échelles et avec des moyens incomparables. Pour des raisons financières, les campagnes françaises, et en particulier municipales, emploient peu de permanents de campagne : la mise en œuvre des techniques de campagne repose ainsi davantage sur l’organisation partisane que sur les professionnels du community organizing. Le plafond limité de la campagne municipale justifie par exemple moins la mise en place de techniques d’online fundraising. Peut-être pour des raisons culturelles, des pratiques telles que les réunions d’appartement et le phoning gardent une visibilité limitée. Par ailleurs, certaines pratiques n’ont pas vocation à être importées parce qu’elles répondent à des objectifs purement américains. On peut citer comme exemple le travail effectué autour de la localisation des bureaux de vote, parfois difficiles à trouver aux États-Unis, y compris le jour du vote. Autre type de pratiques américaines dont la France est heureusement épargnée : l’achat de publicités télévisées hors de prix et le développement de spots vidéo de publicité négatives. Le cadre juridique français est également beaucoup plus tourné vers la protection des données. Hors de question pour la campagne Hidalgo d’acheter des listes d’adresses électroniques : l’épisode de l’achat de bases de données par Nicolas Sarkozy, connu sous le nom du “sarko spam” a marqué négativement la mémoire collective.

Après la campagne des municipales, que deviendront les données récoltées par les équipes web des différents candidats?

Difficile de répondre pour toutes les équipes web. Là encore, le précédent de l’après-campagne d’Obama a montré que la manne des millions d’adresses électroniques contenues dans les bases de données des campagnes pouvait avoir une vie après l’élection. Mais la création de “Organizing for Action” à partir de “Organizing for America” ne semble pas avoir inspiré l’équipe du Président Hollande. La base des primaires socialistes n’a pas, elle non plus, été exploitée de manière optimale. Toutefois, les solides bases numériques d’Anne Hidalgo et de sa principale adversaire ne datent pas d’hier : chacune d’entre elles entretient des centaines de milliers de followers sur Twitter et s’appuie sur une structure autonome de leur parti politique – “Oser Paris” pour Anne Hidalgo, “La France droite” pour la candidate de l’UMP. Ces communautés pourraient donc continuer à vivre en dehors de la campagne parisienne. En ce qui concerne la campagne socialiste, on peut penser que certaines données militantes seront transférées aux sections, dans la plus stricte légalité, dans le respect des règles en vigueur et avec toujours les possibilités d’opt out. Quant aux données statistiques anonymisées (fréquentation, clics, etc.), elles serviront à affiner les modèles et les pratiques pour les campagnes suivantes dans le but de gagner en efficacité.

 

Pour une lecture profane des conflits. Sur le « retour du religieux » dans les conflits contemporains du Moyen-Orient

Cette recension est issue de Politique étrangère 2/2013. Théo Corbucci propose une analyse de l’ouvrage de Georges Corm, Pour une lecture profane des conflits. Sur le « retour du religieux » dans les conflits contemporains du Moyen-Orient (Paris, La Découverte, 2012, 278 pages).

00-CormGeorges Corm propose ici une compilation de conférences et articles précédemment publiés, un plaidoyer pour une « lecture profane des conflits ». Selon lui, les affrontements qui se déroulent actuellement au Proche et Moyen-Orient sont principalement le fruit d’une vision « religio-centrée » de la part des dirigeants qui, en paroles et en actes, opposent un Occident chrétien à un Orient musulman, dans une dynamique de confrontation qui ne peut que s’accentuer au fil des ans au risque de se conclure en conflits, en particulier armés.

Internet et politique en Chine

Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2012), dont le premier dossier est consacré à « Internet, outil de puissance ». Alice Ekman, chercheur associé au centre Asie de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Séverine Arsène, Internet et politique en chine : les contours normatifs de la contestation (Paris, Karthala, 2011, 420 pages).

Issu d’une thèse de doctorat soutenue en 2009, ce livre décrit la manière dont la société civile chinoise s’est approprié Internet comme moyen d’expression et signe de modernité. À partir d’une cinquantaine d’entretiens approfondis conduits en 2006 et 2007 auprès d’internautes pékinois nés après 1978, Séverine Arsène montre avec juste nuance que la contestation du régime proprement dite reste très minoritaire (les internautes prennent davantage la parole sur les questions de société), même si certaines mobilisations initiées sur Internet peuvent avoir un impact important, forçant les autorités à intervenir sur le terrain et même, dans certains cas, à changer la loi. L’auteur relativise par ailleurs l’empreinte de la censure sur le comportement des internautes, qui font preuve d’une forme de distanciation par rapport à de nombreuses positions ou communications officielles, et sont « probablement mieux informés des différents problèmes, et d’une manière plus critique, qu’il n’y paraît au premier abord ».
S. Arsène tire un bilan nuancé du rôle d’Internet dans le fonctionnement du régime chinois. Selon elle, Internet n’est pas un vecteur de contestation majeur – il ne conduit pas ses utilisateurs à remettre en question la place qui leur est réservée dans l’organisation du régime – mais plutôt un mode de participation politique, et aussi un outil d’aide à la décision au service d’un gouvernement technocratique. Internet, plate-forme où les usagers interpellent de temps à autre les autorités sur des questions qui les préoccupent, facilite la veille de l’opinion publique chinoise. Cette veille est utile au gouvernement central pour prévenir les contestations plus radicales et préserver la légitimité du parti. Parfois, les autorités mettent fin aux injustices dénoncées, à certains dysfonctionnements au sein du parti par exemple, alors que les internautes sont plus efficaces que la bureaucratie pour les déceler, notamment au niveau local.
Cette recherche, qui s’appuie sur des entretiens conduits il y a cinq ans, ne reflète pas exactement la situation actuelle, Internet n’étant plus l’outil exclusif des jeunes urbains (plus de 500 millions d’internautes en Chine en janvier 2012, soit près de 40 % de la population nationale) et ne pouvant plus tout à fait être considéré comme une forme de participation à la modernisation de la société. Surtout, la création, à la fin de l’année 2009, de Weibo – le Twitter chinois – a radicalement modifié les pratiques et le poids politique des réseaux sociaux en Chine. Les autorités chinoises en sont conscientes, elles qui ont suivi avec attention les révolutions arabes et s’attaquent aujourd’hui, en cette période de renouvellement de l’équipe dirigeante et à la suite de l’affaire Bo Xilai, aux « rumeurs » véhiculées sur les réseaux et qui pourraient mettre en péril la stabilité du régime. Aujourd’hui encore plus qu’hier, Internet est un puissant outil de participation politique en Chine, parfois de contestation, mais également de veille d’opinion  utile aux autorités.
Si ces évolutions sont de taille, le travail de recherche de S. Arsène n’est pas moins intéressant aujourd’hui, puisqu’il est le témoin d’une période charnière – 2006-2009 – durant laquelle la société chinoise s’est approprié Internet à sa manière, selon les opportunités du moment, pour en faire son outil d’expression privilégié. Grâce à ce livre, les années d’appropriation, déjà difficiles à retracer tant les changements ont été rapides, ne tomberont pas dans l’oubli.

Alice Ekman

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