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Vidéo : PE 4/2011 à Bruxelles

Le dernier numéro de Politique étrangère (4/2011) a fait l’objet d’une présentation publique, le 28 février dernier, à la librairie Filigranes à Bruxelles.
Le débat était orchestré par Vivien Pertusot (responsable de l’Ifri Bruxelles) autour de Cécile Leconte et Gaël Veyssière.
Cécile Leconte est l’auteur de l’article : « Opinions et partis européens face à la crise de l’union monétaire », publié dans Politique étrangère 4/2011.

La vidéo de cette présentation a été mise en ligne sur Filigranes.tv en deux parties : visionnez ici la première partie et la seconde partie.

 

Europe politique : un espoir est-il raisonnable ?

Article paru dans Politique étrangère n°4:2011 et rédigé par Alain Richard, sénateur socialiste. Il siège également au sein de la présidence du Parti socialiste européen et fut ministre de la Défense entre 1997 et 2002, dans le gouvernement de Lionel Jospin.

La crise européenne est d’abord le fruit des difficultés économiques et de leurs effets sociaux. Le projet européen d’une prospérité croissante et partagée est désormais vu avec défiance par les opinions publiques. À cela s’ajoute une gouvernance complexe depuis les élargissements de la précédente décennie. Un esprit collectif européen peut renaître du désir d’un rebond économique mais cette revitalisation dépendra beaucoup des élites médiatiques et politiques, ainsi que des nouvelles générations de citoyens européens.

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Il n’est pas nécessaire de décrire en détail les symptômes d’affaiblissement de l’ambition collective qu’a représentée jusqu’à un passé récent la construction politique de l’Europe. Les signes en sont évidents et se sont accumulés depuis une décennie. On ne peut que les citer sommairement et les analyser pour chercher comment peut survenir un rebond.

Le plus préoccupant est la distance politique qui s’est élargie entre le centre de décision que représente le nom de Bruxelles et les perceptions des centaines de millions de citoyens européens au nom – et en principe dans l’intérêt – de qui s’élaborent et finalement se prennent lesdites décisions. L’Europe de ces dernières années semble à beaucoup non seulement éloignée (ce qui est inévitable, comme aux États-Unis le nom de Washington symbolise cet éloignement) mais, plus en profondeur, déconnectée de leurs demandes et de leurs problèmes. Les expressions dispersées de tous ceux qui ont vocation à parler en son nom ne semblent plus faire sens, ni se rattacher à un projet vivant.

Dans la vie civique de chacune de nos nations, l’objectif si souvent affiché de « plus d’Europe » n’est plus partagé ; il n’est énoncé, par des acteurs qui y croient, ou se sentent tenus de sembler y croire, que par fidélité à un engagement ancien, et sans nourrir d’illusion sur l’accueil populaire d’un tel appel. Il n’est alors exprimé que comme un rite destiné à contourner des contraintes et rarement assorti de propositions opératoires ouvrant un débat réel. Un « souverainisme » résigné ou méfiant donne le ton aux quatre coins du continent et semble signer un arrêt de l’espoir européen.

Si l’on cherche à classer les facteurs qui ont conduit à ce fort détachement, l’explication première est indéniablement économique. Depuis dix ans, l’Europe, collectivement – avec des exceptions positives dans certains pays ou ensembles régionaux, équilibrées par des poches de dépression –, enregistre une croissance faible : moins de 1,5% annuel entre 2000 et 2010 pour l’ensemble de l’Union européenne (UE). Cette situation frustrante contraste à la fois avec les signes frappants de la croissance des pays émergents les plus en vue et avec une dynamique passée que beaucoup d’Européens, sans se pencher sur les statistiques, avaient enregistrée au long des décennies dans leurs conditions de vie et leurs mentalités.

L’impact de ce relatif échec sur la vie de nos sociétés, sur la vie de ce qui est aussi notre société européenne, se mesure bien sûr par le chômage et le sous-emploi. La montée de ce mal social est déjà frappante quand on observe les données globalisées de l’emploi. Mais ses effets sociétaux vont plus loin. Le terme de précarisation les résume sommairement. Ce sont non seulement les emplois les moins qualifiés, ou ceux des secteurs les plus concurrencés, qui disparaissent, mais de proche en proche une masse toujours plus étendue d’actifs, salariés ou indépendants, qui se sentent menacés et qui éprouvent un stress croissant dans leur activité professionnelle. La promesse d’une croissance à peu près régulière, apportant à chacun sa part de progrès, n’est plus tenue.

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Maroc : l’émergence de l’islamisme sur la scène politique

A la suite de la victoire des islamistes du Parti de la Justice et du Développement (PJD) aux élections législatives marocaines, nous vous invitons à relire l’article intitulé « Maroc: l’émergence de l’islamisme sur la scène politique« . Cet article, paru dans Politique étrangère en 2005, a été rédigé par Khadija Mohsen-Finan.

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Voici une dizaine d’années, il paraissait incongru d’évoquer l’islamisme marocain, tant était ferme la conviction que la fonction religieuse du roi mettait le pays à l’abri de ce phénomène. Les attentats de Casablanca (2003) ou de Madrid (2004), impliquant nombre de Marocains, ont brisé cette croyance longtemps cultivée par le pouvoir marocain. Au-delà de cette actualité, un parti islamiste s’est progressivement imposé sur la scène politique marocaine en l’espace de huit ans, représentant aujourd’hui la première force de l’opposition reconnue.

Le Parti de la justice et du développement (PJD) s’est réellement imposé par le biais des élections législatives. La présence remarquée de ses députés contribua à sortir le Parlement de sa longue léthargie. Mis à l’index pour sa « responsabilité morale » dans les attentats de Casablanca par une société traumatisée et hantée par le spectre algérien, les cadres du PJD réussirent à braver les stigmates, en affichant une attitude consensuelle sur nombre de questions. Progressivement, le PJD semblait perdre son caractère particulier de parti d’opposition, supposé tiède dans son attachement à la monarchie. Quel est donc le sens de cette entrée de l’islamisme dans l’espace politique marocain ? Et dans quelle mesure l’existence d’une composante islamiste dans le jeu politique influe-t-elle sur le jeu international du Maroc ?

UN ISLAM ANCRÉ DANS L’ESPACE POLITIQUE

Plus que dans tout autre pays de la région, au Maroc, islam et politique sont intrinsèquement liés. L’histoire de la monarchie marocaine ne saurait être dissociée de la sacralité qui lui a été octroyée. Avant l’indépendance, le sultan était déjà considéré comme chérif — descendant du prophète Mohamed par sa fille Fatima. L’origine chérifienne de la dynastie, revendiquée par le monarque, est intériorisée par la majorité de la population. Cette filiation supposée de la dynastie alaouite, s’accompagne d’une piété affichée. La monarchie, qui entretenait de bonnes relations avec les confréries ou Zaouias, s’est également entourée des oulémas, ces fameux docteurs de la foi. Ce n’est qu’en 1962 que le roi se voit attribuer le statut de commandeur des croyants. Progressivement, la monarchie marocaine s’est approprié la sphère religieuse, par un travail minutieux, entamé par Mohamed V et consolidé par Hassan IL Ce dernier réforme les institutions religieuses en profondeur avec un double souci : la religion lui est nécessaire pour légitimer son pouvoir, mais la sphère religieuse ne doit en aucun cas devenir une tribune concurrente, incontrôlable par la monarchie.

Mohamed Tozy note que « le roi, dont la légitimité est essentiellement religieuse, ne peut, de par son statut de commandeur des croyants (Amir al-mouminin), accepter de reconnaître explicitement les expressions concurrentes de l’islam, car cela équivaudrait à reconnaître un schisme dans la communauté, qui entamerait sa vocation monopolistique et affaiblirait la légitimité chérifienne ». En dépit de la centralité du religieux dans le système politique marocain, il serait vain de croire que ce religieux se limite à une institution homogène. Malika Zeghal explique que Hassan II a beaucoup oeuvré à la « fragmenter » pour mieux l’affaiblir, et que la véritable institution religieuse reste au final la monarchie. Mais « celle-ci ne peut fonctionner autour d’un seul homme — le roi —, ou de sa lignée : il lui faut l’apport de ces hommes de religion éparpillés dans l’espace que la monarchie a fragmenté ».

L’émergence de l’islamisme politique remet en cause le monopole de la monarchie sur le religieux. Les islamistes tentent de dissocier l’islam de la monarchie marocaine. Dès le début des années 1990, Hassan II tentera de contrôler l’islamisme marocain, en isolant sa composante radicale et en intégrant au système politique ceux qui lui paraissent les plus respectables et susceptibles d’être l’interface entre le mouvement islamiste et le palais. La reconnaissance du primat de la monarchie étant bien sûr la condition d’entrée dans l’espace politique à la faveur d’une alternance.

Lire la suite de l’article sur Persée

À l’épreuve des totalitarismes. L’Avènement de la démocratie. 1914-1974

Cet article, rédigé par Marc Crapez, est issu de la revue de lecture de Politique étrangère volume 76, n°3, paru à l’automne 2011, portant sur l’ouvrage de Marcel Gauchet « L’Avènement de la démocratie, t. III. À l’épreuve des totalitarismes, 1914-1974 » (Gallimard, 2010).

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Vers 1900, le socialisme se scinde. Pour Edouard Bernstein, la démocratie est la « condition » du socialisme qui est le successeur chronologique du libéralisme et même son « héritier spirituel légitime ». Le socialisme est un libéralisme organisateur, une application de la démocratie à toute la vie sociale. Pour Karl Kautsky, au contraire, la « conscience » socialiste ne surgit pas spontanément mais uniquement sur la base d’une profonde connaissance scientifique et le « porteur » de la science n’est pas le prolétariat, mais les intellectuels bourgeois. Lénine adopte cette conception d’une conscience de classe apportée de l’extérieur à un peuple réformiste. Étant donné cette extériorité de la révolution envers la dynamique sociale spontanée, la conquête du pouvoir requiert un instrument spécialement conçu à cet effet, et son exercice un appareil d’État spécifique.

Le premier conflit mondial donne aux peuples le sentiment d’avoir retrouvé des vérités premières de l’existence politique. Marianne Weber, l’épouse du sociologue, salue « l’heure de la désindividualisation », une soif d’idéal et d’abnégation dans laquelle communie François Lachelier, jeune intellectuel socialiste et petit-fils du philosophe Jules Lachelier. Selon le juriste fasciste Alfredo Rocco : « La société a des buts propres de conservation, d’expansion et de perfectionnement distincts de ceux des individus qui, à un moment donné, la composent ». Ces affirmations, que la démocratie libérale hésite à prendre en compte (et qui resurgissent encore de nos jours), furent enrôlées dans l’orbite des totalitarismes et contribuent à expliquer la séduction de leurs sirènes.

L’auteur dépeint à merveille comment le totalitarisme se regarde pris dans un corps-à-corps titanesque avec l’Histoire. Ses victoires ne peuvent être qu’à la Pyrrhus car, guetté par des maux de corruption bureaucratique, il trahit ses promesses et, pour détourner l’attention, doit toujours poursuivre sur sa lancée, mobiliser l’enthousiasme, augmenter la mise, élever le niveau des ambitions, élargir le théâtre des opérations. C’est l’une des raisons pour lesquelles le nazisme se lance dans une escalade de tueries. En 1945, triomphent l’État providence, la volonté de pluralisme politique et l’ambition de justice sociale. La social-démocratie anglaise de William Beveridge laisse libre cours à l’inventivité des membres de la société dans des carrières ouvertes et compétitives. Aujourd’hui, c’en est fini du totalitarisme. L’unité politique a définitivement pris la relève de « l’unité religieuse ». C’était un soubresaut de la vieille idée de cohésion et d’unification religieuse, une tentative de renouer avec l’appartenance organique en y faisant converger les volontés individuelles, de ressusciter la forme religieuse par des moyens séculiers, de réinventer « de l’ancien en des termes modernes ».

En tant qu’auteur de référence, Marcel Gauchet pourrait décevoir sur la forme par un manque de concision. Sur le fond, il interprète l’aprèsguerre comme relance d’une phase du processus de sortie du religieux et comme réponse sociale-démocrate à un besoin d’incarnation politique, qui aurait su dépasser « l’abstraction » individualiste du libéralisme en se situant « à distance égale de l’illusion libérale et de l’illusion totalitaire ». Peut-être est-ce oublier qu’avantguerre, Raymond Aron et d’autres libéraux antitotalitaires conseillaient aux démocraties de se réformer au lieu de surenchérir dans l’abstraction de l’antifascisme social-démocrate. Gauchet risque de passer à côté de son sujet en affirmant que les totalitaires cachaient le dessein inavoué d’une réaction religieuse. Loin de vouloir « retrouver les façons de faire habituelles », le totalitarisme fut, aux yeux d’une jeunesse avide de nouveauté et révoltée contre les routines, une tentative avant-gardiste de promouvoir la mobilité sociale contre les rigidités sociales. Le totalitarisme fut pionnier dans tout ce que Gauchet décrit comme des innovations d’après-guerre : la sécurité sociale, le dirigisme, le plan, la statistique, le renforcement de l’exécutif, voire l’écologie et la contre-culture. Mais en 1945, des soldats américains horrifiés obligent la population allemande environnante à venir voir les rescapés du camp de Dachau. C’est le choc de la révélation des meurtres de masse (nazis, japonais et soviétiques) qui déconsidère le militarisme, la chasse aux opposants et le mépris de la vie humaine. Le totalitarisme était une modernisation accélérée qui fit table rase en fonctionnant sur le mensonge et sous la tutelle du scientisme. Il est rejeté au profit d’une patiente entreprise démocratique qui élève le niveau de vie, laisse vivre en paix et permet l’épanouissement personnel.

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