Le 15 septembre dernier, le journaliste François d’Alançon a dédié sa chronique dans La Croix à la rencontre entre Vladimir Poutine et Xi Jinping qui s’est tenue en marge du sommet des dirigeants des États de l’Organisation de coopération de Shanghaï (OCS). Il cite à cette occasion l’article de Marc Julienne, chercheur au Centre Asie de l’Ifri, « Guerre d’Ukraine : un embarras pour Pékin », publié dans le numéro d’automne de Politique étrangère (n° 3/2022).
Vladimir Poutine et Xi Jinping se rencontrent, ce jeudi 15 septembre, en marge du sommet des dirigeants des États de l’Organisation de coopération de Shanghaï (OCS). La guerre en Ukraine exacerbe l’asymétrie des relations entre les deux pays. Les revers de l’armée russe en Ukraine vont-ils mettre à l’épreuve l’amitié « sans limite » entre la Chine et la Russie ? La rencontre entre Xi Jinping et Vladimir Poutine, jeudi 15 septembre à Samarcande (Ouzbékistan), la première depuis l’invasion du 24 février, aura valeur de test. […]
La posture de la Chine dans la guerre en Ukraine reflète bien cette ambiguïté. « Pékin soutient Moscou politiquement et implicitement, mais ne s’ingère pas militairement dans le conflit et respecte les sanctions internationales contre la Russie », écrit Marc Julienne, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri) dans le dernier numéro de la revue Politique étrangère. […]
Compte tenu de l’actualité, nous vous offrons également à lire en avant-première cette recension, par Michaël Levystone, chercheur au Centre Russie/NEI de l’Ifri, de l’ouvrage de David Teurtrie, Russie, le retour de la puissance(Armand Colin, 2021, 224 pages). Cette recension sera publiée dans le numéro de printemps 2022 de Politique étrangère (n° 1/2022) qui paraîtra le 8 mars prochain.
La Russie est-elle toujours cette « puissance pauvre » évoquée en 1993 par Georges Sokoloff, aux visées hégémoniques très supérieures à ses moyens réels ?
Engluée dans un humiliant déclassement avant la relative prospérité de la décennie 2000, la Russie reprend sa place parmi les puissances majeures du globe au tournant des années 2010. Ce « retour » tient en particulier au renouveau de son armée qui, sous Vladimir Poutine, a fait l’objet d’une refonte structurelle et bénéficié d’un effort budgétaire contrastant avec les sous-investissements chroniques des années 1990. Auréolé d’un prestige militaire retrouvé, dont témoigne la mise au pas des indépendantistes tchétchènes, Moscou fait à nouveau figure de puissance hégémonique crédible. D’un côté, la Russie consolide son leadership dans son étranger proche : création de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) avec l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan et le Tadjikistan ; déstabilisation du Donbass en Ukraine par un soutien officieux aux séparatistes pro-russes. De l’autre, elle étend son influence au Moyen-Orient, où son intervention en Syrie lui permet de garder la concession des bases navale de Tartous et aérienne de Hmeimim, mais aussi en Afrique, avec le déploiement des mercenaires de la société privée Wagner en Centrafrique et en Libye.
La politique de résilience conduite par Vladimir Poutine depuis son arrivée au Kremlin en 2000 a d’autres résultats notables. Décidée en réponse aux sanctions économiques édictées par les États-Unis et l’UE pour punir la Russie d’avoir fait main basse sur la Crimée en 2014, la substitution aux importations de la production nationale (importozameŝenie) permet à Moscou de développer une puissante industrie agricole et de s’imposer comme l’un des principaux exportateurs mondiaux de céréales – avec 20 % du commerce mondial de blé. L’État cherche à dupliquer cette stratégie de développement (astucieusement qualifiée par l’auteur de « substitution des exportations ») dans l’industrie extractive, où la montée en gamme annoncée dans la transformation et les productions à plus forte valeur ajoutée que la simple exportation de matières premières peinent encore à se concrétiser.
Par ailleurs, ayant considéré très tôt le soft power comme un élément complémentaire du hard power, Moscou a une longueur d’avance sur nombre de pays, notamment européens, dans le domaine du numérique, où sa stratégie est à la fois défensive – préserver la souveraineté de l’internet russe (RuNet) face à l’influence occidentale – et offensive – déployer une diplomatie d’influence à l’étranger. Les nombreuses solutions numériques russes (le moteur de recherche Yandex, le réseau social VKontakte, les plateformes de commerce en ligne Ozon et Wildberries, ou encore la messagerie électronique Mail.ru) garantissent l’autonomie de l’État dans un secteur jugé stratégique.
Le « retour de la puissance russe » ne doit pas faire oublier ses défis intérieurs. Ce pays, dont le produit intérieur brut nominal ne dépasse pas celui de moyennes puissances, reste tributaire de sa rente pétro-gazière dans un contexte de décarbonation des économies. De plus, en dépit de mesures natalistes et contre l’alcoolisme et le tabagisme, la démographie russe s’effrite, tendance aggravée par le coronavirus. Et la question de « l’après- Poutine » est toujours sans réponse à l’heure où est publié cet excellent état de l’art sur la Russie.
Cette recension a été publiée dans le numéro d’automne 2021 de Politique étrangère (n° 3/2021). Elena Roubinski, collaboratrice du Centre Russie/NEI de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage d’Isabelle Mandraud et Julien Théron, Poutine, la stratégie du désordre (Tallandier, 2021, 384 pages).
La première partie de cet ouvrage retrace les ramifications historiques des méthodes russes. Les auteurs théorisent le « poutinisme » non comme une idéologie mais comme un patchwork de fragments slavophiles et d’éléments conservateurs européens, dont la détestation de l’Occident constitue le cœur battant. À partir de la peur omniprésente de la calamité dans la société russe, le Kremlin a fait du révisionnisme historique un pilier de sa rhétorique autoritaire, Poutine devenant ainsi une des têtes d’affiche du conservatisme. Cette politique entre en résonnance avec le vécu de la majorité des citoyens russes, mais fait aussi écho aux critiques toujours plus nombreuses dans le monde du modèle occidental.
Cette recension a été publiée dans le numéro d’été 2021 de Politique étrangère (n° 2/2021). Florian Vidal, chercheur au Centre Russie/NEI de l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Jean-Sylvestre Mongrenier, Le monde vu de Moscou. Dictionnaire géopolitique de la Russie et de l’Eurasie postsoviétiques (PUF, 2020, 680 pages).
Jean-Sylvestre Mongrenier, géopolitologue et spécialiste de la Russie, nous présente ici un ouvrage qui, sous la forme d’un dictionnaire, rassemble les clés de lecture de la vision du monde selon le point de vue russe. Empruntant la forme d’un guide de référence, l’auteur détaille toutes les notions qui entourent la politique étrangère du pays et les concepts géopolitiques mis en œuvre.
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