Mathieu Pellerin a rédigé un article pour Politique étrangère 4/2012 intitulé “Le Sahel et la contagion libyenne”. La situation évoluant très rapidement au Sahel, nous lui avons demandé une actualisation de son article. Voici l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder pour www.politique-etrangere.com. Mathieu Pellerin est chercheur associé au programme Afrique subsaharienne de l’Ifri.

Quels ont été les développements les plus marquants de la crise sahélienne depuis la rédaction de votre article pour Politique étrangère ?

Couv PE 4-2012_finalLe Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) a été défait militairement à Menaka et à Léré et ne contrôle désormais plus aucune ville importante. La présence du groupe est résiduelle et limitée à quelques groupes de combattants en brousse. Toutefois, si les islamistes contrôlent d’une main de fer l’ensemble du Nord, la situation reste très volatile et soumise à des retournements rapides et violents. Si le MNLA a également perdu ce qui lui restait de légitimité politique, la cause que l’organisation défend préserve toute sa vigueur. Le ralliement des populations à Ansar Dine, AQMI et au MUJAO est avant tout guidé par la recherche de sécurité (physique et financière). La question est de savoir comment leur offrir une alternative leur garantissant cette même sécurité. Il y a des pistes de réponse…

Pourriez-vous décrire les démarches entreprises par les États de la région et plus largement par la « communauté internationale » pour tenter de résoudre cette crise ?

La communauté internationale est divisée. Le format retenu pour la résolution de la crise, celui de la CEDEAO, comporte de sérieuses limites, à commencer par le fait qu’il laisse de côté deux acteurs fondamentaux de la région, la Mauritanie et l’Algérie. Ces deux États demeurent opposés à une intervention au nord du Mali, la Mauritanie par crainte d’être « contaminée » par les conséquences d’une intervention, l’Algérie pour cette même raison mais également par souci de garder le contrôle de la situation et sa « souveraineté » sur son arrière-cour. Depuis le vote européen de l’European Union Training Mission (EUTM) au Mali, la voie est ouverte à une formation de l’armée malienne, première étape vers l’intervention en septembre 2013. La France a demandé à en être « nation cadre ». Toutefois, les embûches restent nombreuses et les critiques se font de plus en plus directes, émanant d’acteur de premier plan comme Susan Rice, ambassadrice américaine à l’ONU. Last but not least, les États-Unis continuent de privilégier comme préalable à une intervention la mise en place d’un régime élu.

Comment cette crise peut-elle évoluer ? Quels sont les scénarios les plus probables ?

Le « limogeage » du Premier Ministre malien, cheikh Modibo Diarra, prive la communauté internationale de son meilleur défenseur dans la perspective d’une intervention. Officiellement, la lettre du président Traoré, datée de septembre, réclamant une intervention n’est pas remise en cause ; officieusement, la junte demeure opposée à l’intervention. Cela fait de facto du capitaine Sanogo un allié involontaire d’Iyad Ag Ghaly. La situation est donc figée et on se situe dans une phase d’inertie durant laquelle il n’est pas impossible que des initiatives isolées soient prises, soit du côté de l’armée malienne ou des milices associées à celle-ci, soit du côté des communautés qui restent tant bien que mal à l’écart d’Ansar Dine.

 Politique étrangère, propos recueillis le 19/12/12

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