Cette recension est issue de Politique étrangère 1/2013. Jérôme Marchand propose une analyse de l’ouvrage collectif dirigé par Frank McDonough, The Origins of the Second World War: An International Perspective (Londres, Continuum, 2011, 552 pages).

couv-McDonoughC’est une belle publication que ce volume corédigé par une trentaine d’historiens (presque tous enseignants universitaires) et consacré aux déterminants de la Seconde Guerre mondiale. La diversité des interrogations, des sources documentaires et des interprétations, liée au profil très cosmopolite des intervenants (une vingtaine de chercheurs britanniques, américains et canadiens, deux Polonais, un Japonais, etc.), ajoute au plaisir que procure l’excellente qualité d’écriture de l’ensemble (point trop scolaire et parsemée de jugements personnels assumés).
Les développements concernant le jeu opportuniste des dictateurs (Hitler, Mussolini, Staline) entre 1935 et 1939 et la politique d’apaisement incarnée par Neville Chamberlain tiennent bien entendu une place centrale. Mais ces éclaircissements centrés sur les cadres de perception des figures politiques de premier plan, leurs marges de manœuvre opérationnelles (soutiens domestiques/obstacles diplomatiques) et leurs manières très variées d’intégrer le facteur temps dans leurs calculs de rationalité s’accompagnent de considérations plus globales, touchant par exemple aux décalages contextuels de la Société des nations (SDN), aux limites du neutralisme et de l’isolationnisme, aux raisonnements économiques et aux pathologies paranoïaques sous-tendant les initiatives des puissances bellicistes. Les thèmes centraux sont ainsi enrichis par l’effet d’entrecroisement de divers niveaux d’analyse.
Bien sûr, comme souvent dans ce type d’ouvrage collectif, tout n’est pas d’égale qualité et le lecteur attentif relèvera ici une plage de redite, là une légère tendance au hors-sujet. C’est le cas par exemple du chapitre consacré à la tradition prussienne, au mythe de la Blitzkrieg et à la manière dont ces deux courants idéologiques ont fini par auto-intoxiquer la machine militaire allemande, au point de la lancer tête baissée dans les steppes eurasiennes. Pareilles réserves, soulignons-le, ne valent que pour un petit nombre de contributions. C’est dire que ce recueil comporte suffisamment de textes pertinents et pénétrants, et pour certains singuliers, en ce sens qu’ils s’intéressent à des acteurs traditionnellement laissés de côté par les historiens mainstream. Dans cette direction, on peut citer par exemple le texte de T.G. Fraser consacré au Moyen-Orient et à l’approche de la conflagration ou celui de Milan Hauner portant sur le président Édouard Benes et sa ligne de conduite lors de la crise des Sudètes. Mention spéciale également au chapitre très dense de M.G. Sheftall, qui retrace la généalogie idéologique du militarisme nippon et son incidence sur les représentations géopolitiques des élites impériales.

Jérôme Marchand

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