Cette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (1/2014). Satyavane Doressamy propose une analyse de l’ouvrage de Sean McMeekin, July 1914. Countdown to War (New York, NY, Basic Books, 2013, 480 pages).
Ce livre relate la crise diplomatique de juillet 1914 qui mena au déclenchement de la Première Guerre mondiale. C’est le cinquième ouvrage de Sean McMeekin, spécialiste américain de la période, deux de ses précédents écrits ayant été honorés de prix littéraires. Le livre se divise en deux parties, la première montrant les réactions des puissances européennes, la seconde analysant le déroulement des événements. Dans sa première partie, l’auteur introduit les grands acteurs des relations diplomatiques pour chaque pays, responsables des Affaires étrangères, ambassadeurs et souverains.
La seconde partie, beaucoup plus longue, pointe les différents responsables du déclenchement de la guerre. Le premier est le ministre des Affaires étrangères d’Autriche-Hongrie, le comte Berchtold, qui envoie un rapport à l’Allemagne favorisant nettement la solution militaire. Guillaume II, quant à lui, commet l’erreur d’assurer à l’Autriche-Hongrie un soutien total de l’Allemagne, quelle que soit la réaction de la double monarchie à l’incident de Sarajevo. La Russie, qui veut protéger la Serbie, reçoit l’appui de la France par l’intermédiaire du président Poincaré. Pour éviter toute solution de compromis, le comte Berchtold envoie la déclaration de guerre à la Serbie après que celle-ci a rejeté l’ultimatum. Vient enfin la course à la mobilisation, course que la Russie entame mais qu’elle parvient à dissimuler. L’Allemagne s’en plaint à l’Angleterre, mais celle-ci n’est pas au courant… Lorsque le Kaiser prend la décision de mobiliser en retour, il passe pour l’agresseur. La décision militaire allemande de violer la neutralité de la Belgique rompt les relations diplomatiques anglo-germaniques et fait entrer la Grande-Bretagne dans le camp de la France et de la Russie. La guerre peut commencer.
Cet ouvrage est le fruit d’une longue étude historique : les notes et la bibliographie commentée par l’auteur sont riches, comme les annexes – une chronologie, une liste des principaux intervenants et un index aident ainsi à se retrouver dans un milieu diplomatique parfois complexe. La seule faiblesse de l’œuvre est de s’égarer ponctuellement dans des descriptions de réceptions mondaines.
La thèse défendue par S. McMeekin est originale : elle s’interroge sur le comportement, parfois belliqueux, de la France et de la Russie, en s’appuyant sur le fait que ces deux puissances se sentaient militairement supérieures à leurs rivales. L’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, se sachant inférieures, n’auraient donc eu aucun intérêt à déclencher une guerre. L’auteur montre également les balbutiements de la diplomatie britannique, qui ne parvient pas à adopter une ligne politique stricte et se fait duper par la Russie et la France.
Comme toute thèse, celle-ci prête à discussion. Le comportement de la France et de la Russie peut paraître agressif à certains moments, mais la responsabilité du déclenchement de la Première Guerre mondiale n’est-elle pas européenne ?
Satyavane Doressamy
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