people bankCette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2014). Norbert Gaillard propose une analyse de l’ouvrage de Stephen Bell et Hui Feng, The Rise of the People’s Bank of China. The Politics of Institutional Change, (Cambridge, MA, et Londres, Harvard University Press, 2013, 384 pages).

Alors que de nombreux ouvrages et manifestations viennent de célébrer les 100 ans de la Federal Reserve (Fed) américaine, il manquait aux économistes et politologues un livre de référence sur la Banque centrale chinoise. C’est chose faite.

S’appuyant sur les rapports et statistiques de la Banque populaire de Chine (BPC) mais également sur de nombreuses interviews avec des hauts fonctionnaires de la BPC, de la Commission de régulation bancaire et du ministère des Finances, Stephen Bell et Hui Feng nous offrent une étude impressionnante de la Banque centrale chinoise depuis le tournant des réformes de 1978.

Les auteurs décrivent tout d’abord une institution en manque de légitimité et relativement marginalisée dans le système de planification en vigueur dans les années 1980. C’est pourtant au cours de cette décennie que la politique monétaire chinoise commence à se moderniser via l’introduction d’un système de prêts à court terme aux établissements de crédit et une gestion des taux d’intérêt plus flexible.

La crise politique et la poussée inflationniste de la fin des années 1980 vont conduire à un élargissement des prérogatives de la BPC. En 1994, elle supervise l’unification du régime de change jusque-là dual. L’année suivante, une loi fait de la BPC l’unique organisme chargé de la lutte contre l’inflation. Elle s’acquittera remarquablement de sa tâche puisque la hausse des prix sera nulle en moyenne entre 1998 et 2002 puis nettement en deçà de 10 % par la suite. Dans la foulée de la crise asiatique de 1997-1998, la BPC exerce une influence majeure sur le pouvoir politique en le dissuadant de procéder à une dévaluation du yuan. Dans le même temps, la Banque centrale continue d’adopter les instruments de politique monétaire occidentaux et voit le nombre de ses hauts fonctionnaires formés dans de prestigieuses universités américaines augmenter.

Après l’admission de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, la BPC joue un rôle de plus en plus important dans la poursuite des réformes. Elle réorganise en profondeur le marché des capitaux et le secteur bancaire. Par l’intermédiaire de la Central Huijin Investment Company, elle acquiert toute une série de participations dans les grands établissements de crédit et compagnies d’assurance du pays. Enfin, elle est en première ligne lors de la réforme du régime de change de 2005 qui aboutit à une lente appréciation du yuan vis-à-vis du dollar. Cet activisme de la BPC permet à son gouverneur, Zhou Xiaochuan, d’être présenté par les médias américains comme l’une des personnalités les plus puissantes au monde.

L’ouvrage de Bell et Feng est instructif à deux titres au moins. Il montre d’une part comment une institution est parvenue, en moins de trois décennies, à devenir le rouage clé d’un système économique historiquement politisé, centralisé et hiérarchisé. Il permet d’autre part de comprendre plus aisément la façon dont la Chine a progressivement assimilé les règles capitalistes. Mais ce livre pourrait décevoir les lecteurs férus d’économie. Son approche structuraliste empêche les auteurs d’approfondir les mesures prises par la BPC au fil des ans. De même, la question des créances douteuses détenues par les banques chinoises est éludée. C’est d’autant plus regrettable qu’il s’agit là de la principale faiblesse de la deuxième économie mondiale.

Norbert Gaillard

S’abonner à Politique étrangère

Acheter le numéro 2/2014 de Politique étrangère