Mois : octobre 2014 Page 3 of 5

La Formation de la nation kurde en Turquie

YilmazCette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2014). Florence Deliancourt propose une analyse de l’ouvrage de Özcan Yilmaz, La Formation de la nation kurde en Turquie (PUF, 2013, 272 pages).

S’il existe aujourd’hui une littérature abondante sur la nation kurde, l’ouvrage d’Özcan Yilmaz apporte un éclairage original sur le long processus de formation de la conscience nationale de ce « peuple sans État ». Récompensé par le prix Pierre du Bois 2012 pour la meilleure thèse en histoire et politique internationale de l’Institut de Genève, ce livre est le résultat d’un travail de longue haleine. En s’inspirant de la théorie de la « formation des petites nations » de Miroslav Hroch, qui étudie les différentes phases au cours desquelles un mouvement national permet de transformer un « groupe ethnique non dominant » en une véritable nation, l’auteur se propose d’appliquer ce modèle de formation des nations européennes au processus national kurde.

L’émergence d’une conscience nationale propre est le résultat d’une longue évolution historique et d’une structuration identitaire reposant sur trois composantes nécessaires : politique, sociale et culturelle-linguistique. L’auteur décrit ici le cheminement du processus national kurde fragmenté théorisé par Hroch, en distinguant trois phases.

PE 2/2014 dans Les Echos : « La Turquie d’Erdogan engluée dans ses contradictions »

EchosJacques Hubert-Rodier cite le dossier spécial « Kurdistan(s) » du numéro 2/2014 de Politique étrangère dans Les Échos du 17 octobre (voir l’article original).

La politique de la Turquie face à la question kurde et à la guerre civile en Syrie est de moins en moins lisible. Le rêve d’Erdogan de faire de son pays une puissance émergente indispensable s’éloigne de plus en plus.

Un éditorialiste du quotidien « Hürriyet » écrivait récemment que la Turquie est confrontée à une équation complexe avec trois variables : l’Etat islamique, le régime de Bachar Al Assad et le PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, dirigé depuis sa cellule par Abdullah Ocalan. En fait, il s’agit de trois ennemis mais dont les menaces ne sont pas identiques aux yeux du gouvernement turc. Recep Tayyip Erdogan, le premier président de la République turque élu au suffrage universel en août dernier, après avoir été Premier ministre plus de onze années, a donné l’impression que le pire de ses ennemis était le PKK, suivi du régime des Assad, qui, à plusieurs reprises dans l’histoire, a donné un coup de main aux Kurdes syriens et a même abrité des attaques du PKK contre des cibles en Turquie. En dernier viendrait le danger de l’Etat islamique à ses frontières. Ce classement des menaces pesant sur la Turquie est vraisemblablement beaucoup plus compliqué.

Du Golfe aux banlieues. Le salafisme mondialisé

AdraouiDans cette recension, Amel Boubekeur propose une analyse de l’ouvrage de Mohamed-Ali Adraoui, Du golfe aux banlieues. Le salafisme mondialisé  (Puf, 2013, 248 pages).

Privilégiant une approche ethnographique, Mohamed-Ali Adraoui analyse la manière dont le choix du salafisme par de jeunes musulmans français habitant en banlieue transforme leurs expériences de relégation sociale, politique et économique. De manière judicieuse, l’auteur démontre que le salafisme est capable de s’adapter à divers environnements en proposant à ses adeptes des modes de politisations idoines.

Pour Adraoui, ce sont les facteurs sociaux, plus que l’attrait pour des normes religieuses spécifiques, qui expliquent le choix du salafisme en France. En devenant salafis, les adeptes substituent au sentiment d’impuissance né de leur exclusion des espaces majoritaires une désocialisation assumée et valorisante. Plutôt que d’accepter l’étiquette de banlieusards culturellement inadaptables, ils choisissent de devenir des musulmans véridiques, persécutés car leur foi authentique contrevient à l’ordre majoritaire impie. Les controverses cycliques sur le voile, l’islamophobie ou les caricatures du prophète Mohammed seraient les manifestations probantes de ce complot. Le mode de vie salafi, avec ses phrases ponctuées de mots arabes et ses longues tuniques orientales, devient un moyen de renouer avec la culture de leurs parents – majoritairement originaires d’Afrique du Nord – dépréciée par l’expérience migratoire. Pour les convertis salafis d’origine antillaise, portugaise et espagnole, pouvoir être ostensiblement croyant est aussi une occasion d’assumer la continuité d’un engagement postchrétien souvent raillé dans l’espace séculaire. Le caractère ultra-minoritaire du salafisme face à la masse de musulmans ayant délaissé le vrai islam devient le signe que l’on est à l’avant-garde du vrai islam, élu de Dieu. Contrairement aux autres mouvements islamiques, les salafis savourent le fait d’être des happy few et, en conséquence, ne s’engagent pas dans une prédication de masse visant à convaincre l’humanité du bien-fondé de leur pratique.

Les Français jihadistes

ThomsonCette recension d’ouvrage est issue de Politique étrangère (2/2014). Marc Hecker propose une analyse de l’ouvrage de David Thomson, Les Français jihadistes (Les Arènes, 2014, 256 pages).

David Thomson, journaliste à Radio France Internationale (RFI), est un spécialiste de la mouvance djihadiste. En 2012-2013, il a réalisé le documentaire « Tunisie : la tentation du djihad », se concentrant sur le groupe Ansar al-Charia, dirigé par un ancien lieutenant de Ben Laden, Abu Iyadh, libéré des geôles tunisiennes lors du renversement de Ben Ali. Ce groupe s’est notamment distingué en septembre 2012 par une spectaculaire attaque de l’ambassade américaine à Tunis, au cours de laquelle des centaines d’individus ont pris d’assaut la chancellerie, brûlant des dizaines de véhicules, volant des ordinateurs et remplaçant la bannière étoilée par l’étendard noir du djihad. Parmi les assaillants se trouvaient des Français, dont certains combattent aujourd’hui en Syrie.

La Syrie – Sham, pour les djihadistes – est au cœur de l’ouvrage de Thomson. D’après les chiffres communiqués par les autorités françaises, environ 700 Français sont partis dans ce pays. Beaucoup d’entre eux ont rejoint les rangs des organisations sunnites les plus radicales comme Jabhat al-Nosra ou l’État islamique d’Irak et du Levant (EIIL). Si le phénomène des filières djihadistes n’est pas nouveau – on avait auparavant connu l’Afghanistan, la Bosnie, la Tchétchénie, l’Irak et le Mali –, la Syrie a suscité plus de vocations djihadistes parmi la jeunesse occidentale qu’aucun autre conflit.

Page 3 of 5

Fièrement propulsé par WordPress & Thème par Anders Norén