Cette recension d’ouvrages est issue de Politique étrangère (4/2015). Denis Bauchard propose une analyse de l’ouvrage de Ahmed Qurie (« Abu Ala »), Peace Negociations in Palestine. From the Second Intifada to the Roadmap (Londres, I.B. Tauris, 2015, 320 pages).
Ahmed Qurie, plus connu sous le nom d’Abu Ala, était un proche de Yasser Arafat et fut un acteur majeur de la vie politique palestinienne. Négociateur des accords d’Oslo en 1993, présent aux rendez-vous manqués de Camp David, il continua de jouer un rôle important comme président du parlement puis comme Premier ministre, jusqu’à la victoire du Hamas aux élections de 2006. C’est un homme de dialogue, qui a cru à la possibilité d’un accord sur la base des deux États. Ce livre fait suite à deux autres ouvrages qui se rapportent à la période 1993-2000, et couvre la période 2000-2006. Par-delà son titre, il retrace toute l’histoire des événements qui se sont déroulés pendant ces six années, riches en péripéties et marquées de violences.
Le point de départ est l’échec de Camp David, qu’Abu Ala a très mal vécu. En effet, le président Clinton et Ehud Barak blâment les seuls Palestiniens. Naturellement, Abu Ala récuse cette analyse et, de fait, comme l’a révélé plus tard Robert Malley, qui a participé à la négociation du côté américain, les choses étaient plus complexes, et les torts au moins partagés. Cependant, après cet échec, les négociations reprennent à Taba en janvier 2001, sur la base des « paramètres de Clinton » : un texte est alors élaboré. Le négociateur palestinien et l’envoyé spécial de l’Union européenne Miguel Moratinos estiment que l’on était très proche d’un accord. Mais on est à la veille des élections israéliennes et l’arrivée au pouvoir d’Ariel Sharon rompt la dynamique de la négociation.
Dès lors, les violences s’enchaînent. La seconde intifada, dont le catalyseur a été l’irruption de Sharon sur l’Esplanade des mosquées le 28 septembre 2000, prend de l’ampleur après sa prise de fonction. Ces années sont donc marquées par un contexte très défavorable à de véritables négociations : l’ensemble de la Cisjordanie est de nouveau occupé, les camps de Jenine et Naplouse sont « contrôlés », l’armée israélienne investit Ramallah et fait le siège de la résidence d’Arafat, un « mur de séparation » est construit à l’est de la Ligne verte, les colonies de peuplement se développent à Jérusalem-Est comme en Cisjordanie.
Ce contexte aurait pu tuer toute tentative de négociation. Mais l’auteur montre comment le fil des contacts n’a jamais été perdu. Dès décembre 2001, une rencontre secrète a lieu entre Abu Ala et Peres, à l’époque ministre des Affaires étrangères de Sharon. On évoque l’action de l’administration Bush pour débloquer la situation : envoi au Moyen-Orient de Colin Powell, commission Mitchell, mission Tenet, mise en place du Quartet et définition de la Feuille de route. Mais la négociation s’enlise, voire agonise, faute de véritable volonté politique.
Abu Ala décrit de façon lucide cette période et ses tentatives de négociation, ne cachant pas que, du côté palestinien, de nombreuses erreurs ont été commises et que l’influence des éléments les plus radicaux a pesé lourd dans la recherche d’un accord. Tout en étant un acteur engagé, il évoque les positions de ses interlocuteurs en termes mesurés, faisant une large place aux déclarations et documents publiés de part et d’autre. C’est le livre d’un homme de bonne volonté, dont les déclarations récentes montrent qu’il ne croit plus à la solution des deux États, alors qu’il en était un défenseur déterminé du côté palestinien.
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