Alors que s’ouvrent officiellement les primaires américaines avec le caucus de l’Iowa, aujourd’hui 1er février 2016, Laurence Nardon, responsable du programme « États-Unis » à l’Ifri et auteur de l’article « Présidentielles américaines : ce que nous disent les primaires » paru dans le numéro d’hiver 2015 de Politique étrangère (4/2015), a accepté de répondre à trois questions en exclusivité pour politique-etrangere.com.

Vote USA

Quels sont les principaux points à retenir du deuxième mandat de Barack Obama ?

Après avoir usé son capital politique de premier mandat à faire adopter une réforme de la santé, Barack Obama, peu intéressé et maladroit à gérer les questions partisanes avec le Congrès a préféré agir en politique intérieure pendant son second mandat en utilisant la voie exécutive. Il a ainsi pu prendre des mesures dans le domaine de l’immigration (pour l’instant bloquées par des recours juridiques), de l’environnement, et plus récemment dans le domaine du port d’arme.

En politique étrangère, Obama aura été un président très intellectuel, développant une analyse poussée des problèmes et élaborant des solutions idéales de façon abstraite. C’est ainsi que l’idée du pivot vers l’Asie est tout à fait rationnelle au début du XXIe siècle, mais se heurte dans les faits à la baisse des budgets militaires et à la permanence du chaos au Moyen-Orient.

Les négociations nucléaires avec l’Iran ont été conduites sur l’idée, là aussi très intéressante, de rééquilibrer l’opposition des forces sunnites et chiites au Moyen-Orient, en faisant de l’Iran un partenaire de nouveau fréquentable. Dans les faits, et même si l’accord approche de son « jour de mise en œuvre » (implementation day), il déstabilise pour l’instant l’Arabie Saoudite, ce qui ajoute au chaos général de la région, et inquiète Israël.

Dans la campagne actuelle, Donald Trump accapare l’attention des médias. Qui sont les autres candidats du côté républicain ?

Il reste encore douze candidats républicains en lice à l’heure où démarrent les primaires officielles. Les prétendants à l’investiture du Grand Old Party (GOP) se placent à différents niveaux sur l’échelle du conservatisme, entre candidats plutôt centristes (mainstream) et candidats radicaux – même si tous ont radicalisé leur discours pour tenter de coller aux outrances de Donald Trump, notamment sur l’immigration.

Derrière Trump, Ted Cruz et Marco Rubio semblent les mieux placés. Si Rubio est sur une ligne mainstream comparable à celle de Jeb Bush ou de Chris Christie, Ted Cruz est le plus conservateur de tous sur les questions de morale religieuse. Ben Carson, le neurochirurgien noir, était sur la même ligne. Ayant connu un moment de succès à l’automne, il est maintenant retombé dans les intentions de vote.

La candidature de Trump reste le phénomène de cette campagne. Il s’est maintenu en tête malgré les prédictions de tous les experts, grimpant dans les sondages à chaque nouvel éclat. Ses propositions restent floues, mais on peut voir qu’à part l’immigration, sur laquelle il se montre extrêmement xénophobe, ses idées sont en réalité assez modérées. Divorcé plusieurs fois et peu pratiquant, il n’est pas un conservateur moral. Sur la politique étrangère, il est sur une ligne pragmatique et peu interventionniste. Sur l’économie, enfin, certaines de ses propositions, fiscales notamment, sont plus favorables à la classe moyenne qu’à la finance. C’est sans doute l’une des raisons de son succès.

Hillary Clinton a-t-elle une réelle chance de devenir la première présidente des États-Unis ?

Il est toujours risqué de faire des prédictions.

Hillary Clinton est en effet bien placée, même si elle va connaître des moments difficiles au début des primaires : les deux premiers états à voter (Iowa et New Hampshire) sont en effet des États à majorité blanche, dans lesquels son challenger démocrate, le « socialiste » autoproclamé Bernie Sanders est favori. Les états suivants, Nevada et Caroline du Sud à forte communauté respectivement latino et noire, lui seront sans doute plus propices.

Dans l’élection nationale, à partir de l’été, elle serait bien placée face à un candidat républicain radical (Cruz) ou repoussoir (Trump). Marco Rubio ou Jeb Bush seraient plus difficiles à battre car ils sont sur le même terrain centriste qu’elle.

Reste la possibilité d’un effondrement de sa candidature, soit par un dérapage de la candidate, mal géré par sa communication, soit pour un souci de santé. C’est apparemment pour cette raison que Martin O’Malley, le troisième candidat à l’investiture démocrate, qui n’a jamais dépassé 3,5 % dans les sondages nationaux, ne jette pas l’éponge. On entend dire également que Joe Biden pourrait revenir dans la course s’il arrivait quelque chose à Hillary Clinton.

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