Cette recension est issue de Politique étrangère (1/2016). Rémy Hémez propose une analyse de l’ouvrage de David Revault d’Allonnes, Les guerres du président (Paris, Seuil, 2015, 256 pages).

couv-les-guerres-du-prsidentDavid Revault d’Allonnes, grand reporter au service politique du Monde, nous propose dans cet ouvrage une plongée au cœur des relations entre le président de la République et les forces armées. L’auteur analyse bien les ressorts de ce « président aux deux visages » : réticent à la confrontation avec ses partenaires et ses adversaires politiques, mais n’hésitant pas à faire la guerre.

François Hollande n’a pas de penchant naturel pour la chose militaire. Il a fait son service national par nécessité politique et a toujours montré peu d’intérêt pour les sujets de défense. De plus, au cours de sa campagne et au début de son mandat, il a exprimé des réticences quant à l’emploi de la force armée. Il était alors focalisé sur le retrait d’Afghanistan. L’auteur introduit d’ailleurs son propos en évoquant un entretien avec François Hollande au cours duquel ce dernier affirme ne pas vouloir céder à « la tentation de l’aventure extérieure », selon lui une échappatoire commode aux difficultés de la politique intérieure.

Pourtant, quelques semaines après cet échange, l’opération française au Mali – qui marque « l’entrée en guerre » de François Hollande – était lancée. En effet, la dégradation de la situation dans la boucle de Niger bouscule le calendrier diplomatique. Le 11 janvier 2013, jour de la décision de l’intervention au Mali, est ainsi une date pivot pour le président François Hollande : il prouve qu’il peut trancher. La communication gouvernementale saura mettre cet état d’esprit en valeur. Le président devient « chef de guerre ». En août 2013, François Hollande est proche de déclencher une nouvelle intervention militaire, cette fois en Syrie. Cette dernière ne sera pas lancée mais le président a une fois de plus fait preuve de détermination.

Tout au long de son ouvrage, David Revault d’Allonnes cherche à expliquer le changement d’attitude présidentiel vis-à-vis de l’action armée. En fait, François Hollande y trouve des satisfactions personnelles et politiques. Les « résultats immédiats » qui sont obtenus tranchent avec les délais nécessaires pour obtenir des effets en politique intérieure et l’administration de la défense est aux ordres. Mais ce volontarisme dans les affaires internationales et militaires est aussi le reflet des institutions de la Ve République : tous les présidents avant lui y ont trouvé un terrain de liberté.

David Revault d’Allonnes dresse aussi le portrait de l’entourage du président dans le domaine de la défense, de ceux qu’il nomme « les faucons du président » : Jean-Yves Le Drian, le général Puga et Cédric Lewandowski. L’auteur décrit très bien l’équilibre délicat entre ces fortes personnalités ainsi que leurs relations avec les Armées et le ministère des Affaires étrangères.

Dans la dernière partie du livre, l’auteur revient sur la lutte contre le terrorisme. Les trois jours sanglants de janvier 2015 marquent, selon lui, la fin d’un processus de « présidentialisation » de François Hollande qui avait débuté avec la guerre au Mali. S’ensuit, une nouvelle fois, l’emploi de la force armée avec le déploiement de 10 000 militaires sur le territoire national.

Très agréable à lire, fruit d’un excellent travail de journalisme, cet ouvrage est une véritable plongée dans les arcanes du pouvoir et nous éclaire quant aux mécanismes politiques régissant l’emploi de la force armée. On peut seulement regretter que les ressorts de l’intervention en Centrafrique ne soient pas plus décryptés et que la voix des militaires ne soit pas plus présente.

Rémy Hémez

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