Cette recension a été publiée dans le numéro d’hiver de Politique étrangère (n°4/2016). Charza Shahabuddin propose une analyse de l’ouvrage de Partha S. Gosh, Migrants, Refugees and the Stateless in South Asia (Sage Publishing, 2016, 384 pages).
L’ouvrage de Partha S. Gosh constitue une référence concernant la typologie et l’impact des différentes formes de migrations en Asie du Sud. Il est un apport inédit à la littérature académique, en ce qu’il s’appuie sur l’étude des dimensions culturelles de la migration les moins explorées, en démontrant que la définition juridique classique (celle des Nations unies) des concepts de migrants, réfugiés et apatrides, n’est pas pertinente dans le cas sud-asiatique, ce pour des raisons politiques, sociales et historiques.
L’auteur s’appuie sur diverses théories sur la migration – approches géographique, économique, de développement et de genre – développées dans la littérature académique occidentale. Pour dresser une cartographie de la scène migratoire sud-asiatique sur les soixante dernières années, il catégorise 50 millions de migrants, réfugiés et apatrides en huit catégories différentes. Il passe en revue les migrations (chapitre 1) liées aux incertitudes de la Partition de 1947, la situation des apatrides, les conflits interethniques, mais aussi les échecs dans la construction de la nation en Asie du Sud.
Le pays hôte accueille dans un premier temps les réfugiés avec bienveillance. Le temps passant, la sympathie initiale se transforme en inquiétude. L’influence politique, religieuse, économique ou culturelle des migrants peut attiser des divisions au sein du pays hôte (chapitre 2).
La guerre civile est l’une des causes les plus connues de migrations inter-étatiques. Ces mouvements de populations actionnent la variable sécuritaire : des tensions se développent entre l’État en proie à la guerre civile et ses voisins. Durant la guerre d’indépendance du Bangladesh en 1971, l’Inde accueille près de 10 millions de réfugiés, elle soutient et arme la guérilla bengalie ; d’où une escalade des tensions entre Inde et Pakistan.
Sur les huit pays sud-asiatiques, seul l’Afghanistan a signé la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son protocole de 1967. L’auteur interroge la nécessité pour les États d’adopter un régime spécifique pour l’accueil des réfugiés. Au cœur du débat, on retrouve la dualité entre le concept d’universalité des droits de l’homme et celui du relativisme culturel enchâssé dans les discours de la décolonisation. Dans le cas sud-asiatique, les États préfèrent se fonder sur une approche légale nationale. L’auteur conclut qu’en dépit de l’absence de conventions spécifiques, les gouvernements agissent en faveur du soutien et de la reconnaissance des migrants, réfugiés et apatrides (chapitre 4).
Les dimensions culturelles et psychologiques sont transposées d’un pays à l’autre lorsque les populations migrent (chapitre 6), avec un double impact : les migrants influencent la société dans laquelle ils arrivent, et vice versa. On retrouve ce métissage dans les arts et la culture. Les tensions sociales au sein du pays d’accueil se ressentent au travers de la psychologie individuelle et collective. Par exemple, il ne se passe pas un seul jour sans que l’Inde produise un film relatant l’épisode de la Partition. Les mouvements de migrants et de réfugiés ne reflètent pas seulement la destruction et la misère, ils sont aussi à l’origine d’une créativité artistique florissante. Autre exemple : celui de l’influence portugaise dans la musique des films indiens.
Ainsi, il semble qu’en dépit de ses problèmes économiques, démographiques, environnementaux et de sa diversité culturelle, l’Asie du Sud n’a en rien perdu son esprit humanitaire.
Charza Shahabuddin
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