Cette recension a été publiée dans le numéro d’été de Politique étrangère (n°2/2017). Hans Stark, secrétaire général du Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l’Ifri, propose une analyse de l’ouvrage de Hans Vorländer, Maik Herold et Steven Schäller, PEGIDA: Entwicklung, Zusammensetzung und Deutung einer Empörungsbewegung (Springer Verlag, 2016, 176 pages).

PEGIDA

Né en octobre 2014, le mouvement PEGIDA – Patriotischer Europäer gegen die Islamisierung des Abend­landes [Européens patriotiques contre l’islamisation de l’Occident] – est un phénomène curieux pour au moins trois raisons. Il s’agit d’abord d’un mouvement citoyen indépendant devenu au fil des mois « l’expression citoyenne » du parti populiste de droite AfD (Alternative für Deutschland). La relation fusionnelle entre l’AfD et PEGIDA a été telle que la première a fourni l’idéologie et la seconde le soutien logistique, tandis que le succès de cette dernière permettait à la première de progresser dans les sondages et d’obtenir des scores électoraux inespérés en 2015 et 2016. De plus, PEGIDA est et reste avant tout un mouvement de Saxe (où les immigrés ne représentent pas plus de 2 % de la population totale), voire local, limité à la ville de Dresde. Les tentatives de PEGIDA de s’enraciner hors de Saxe ont échoué. Enfin, PEGIDA ne connaît nul équivalent dans les autres pays européens, pourtant richement dotés en partis et mouvements populistes de droite.

Étudier ce mouvement de plus près et comprendre sa genèse pour mieux pronostiquer ses perspectives futures, voilà l’objectif de trois politologues de l’université technique de Dresde. Le résultat est convaincant, tant les auteurs parviennent à plonger dans l’univers sociologique de PEGIDA, dont ils analysent les discours, les positions politiques, les réseaux, puis les acteurs et les militants, avant d’évaluer leur impact sur les médias (à la fois nationaux et régionaux), et la société. Pour les auteurs, PEGIDA est clairement un mouvement sociétal de protestation de style nouveau, qui s’inscrit dans la mouvance populiste de droite qui émerge en Allemagne, tout en véhiculant des ressentiments xénophobes et islamophobes ainsi qu’une attitude de rejet fondamentale contre les élites politiques et médiatiques.

Comme l’AfD d’ailleurs, PEGIDA réunit à la fois des représentants de la classe moyenne aisée et intellectuelle d’un côté, et des représentants des « perdants » ou des exclus de la société de l’autre. Cette dichotomie se reflète dans les positions prises par PEGIDA, qui oscillent entre la protestation populiste antimondialiste et l’extrême droite xénophobe et islamophobe de l’autre. Une partie du mouvement se contente de protester pacifiquement une fois par semaine, en général le lundi soir, dans les rues de Dresde ; l’autre va plus loin et se mobilise pour attaquer physiquement les centres d’accueil des réfugiés et des demandeurs d’asile. Les propos de haine contre l’islam et le gouvernement Merkel tenus fréquemment lors des manifestations PEGIDA ont eu pour conséquence une radicalisation du mouvement et une banalisation, dans les faits, du recours à la violence contre immigrés et réfugiés.

Enfin, les auteurs soulignent que le mouvement PEGIDA est volatil et aléatoire. Il n’a connu d’affluences records qu’en hiver 2015-2016, durant la période qui a vu l’arrivée massive de réfugiés en Allemagne. Le flot de migrants s’étant tari depuis la signature de l’accord entre la Turquie et l’UE en avril 2016, le nombre de manifestants répondant à l’appel des organisateurs de PEGIDA a aussi très fortement diminué depuis. Mais il peut renaître de ses cendres à tout moment. D’où l’intérêt de cet ouvrage.

Hans Stark

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